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AU PAYS DES KANGAROUS

ner ; car les condiments de cuisine étaient primitifs et les instruments de cuisson inconnus. On s’assit, et chacun se servit des fourchettes et des couteaux sauvés du naufrage. Quant aux assiettes, on y suppléa par des écailles d’huîtres, les plus larges qu’on avait pu se procurer.

Dès que le repas fut terminé, on songea à fuir les moustiques au plus vite ; et cependant les naufragés furent poursuivis à une assez grande distance par une nuée de ces insectes. Enfin les tortionnaires lilliputiens abandonnèrent leur proie au moment où les Mayburn arrivaient près des rochers du récif.

À ce moment-là, un cri de détresse poussé par Hugues et Gérald arrivés les premiers, vinrent frapper les oreilles du reste des voyageurs.

Ces deux braves cœurs annonçaient une mauvaise nouvelle. En effet, ils avaient découvert le vol de tous les tonneaux et paquets laissés par eux sur le lieu de leur premier campement.

« Nous aurions dû surveiller ce misérable Peter, s’écria Wilkins. S’il n’est pas venu dîner avec nous, c’est qu’il méditait quelque infamie. »

Les jeunes gens s’étaient avancés jusqu’à l’endroit où ils avaient laissé les épaves. Toutes les billes de bois avaient disparu. On comprit alors que le convict s’était hâté de reconstruire le radeau, et qu’il s’était aussitôt éloigné, emportant avec lui les provisions, un des fusils, la poudre et le plomb.

« Ce qu’il y a de pis, ajouta Jack c’est qu’il m’a volé également ma boîte de menuisier, y compris la hache, qu’il m’avait empruntée ce matin.

— Pourquoi la lui avoir prêtée ? murmura Wilkins d’un ton de colère. Il paraît que les coquins ont plus de chance que les honnêtes gens.

— Ne parlez pas ainsi, riposta Marguerite. Les méchants ne réussirent jamais, même sur la terre. Black Peter court peut-être à des dangers qu’il eût évités en restant avec nous, et, qui plus est, sa conscience va le poursuivre partout où il ira. On ne peut espérer l’assistance de Dieu que quand on est honnête et loyal.

— Où peut-il avoir dirigé son embarcation ? demanda Hugues.

— Je crois qu’avec cette frêle construction il lui sera seulement possible de naviguer autour de l’île ; il abordera sans doute à l’est, d’où, à son idée, on doit voir la terre ferme. La mauvaise action de cet homme nous cause un grand dommage ; mais nous dormirons du moins à notre aise en sachant que ce misérable ne menace plus notre vie. »

La nuit vint, et, la prière faite en commun, chacun demanda au repos l’oubli de ses peines et la force nécessaire pour supporter de nouvelles épreuves.

Quand l’aube apparut, on tint conseil pour savoir quel parti on devait prendre ; Max Mayburn paraissait très abattu ; Marguerite ne cachait pas son anxiété ; mais tous les jeunes gens semblaient concevoir les meilleures espérances et montraient une grande énergie.

« Mes amis, dit Arthur à Hugues et à Gérald, veuillez m’écouter avec attention. Rien de mieux que de faire la chasse aux tortues ; tuez même, si bon vous semble, des oiseaux pour notre ordinaire, j’y consens ; car, avant tout, nous devons manger pour conserver notre santé ; mais l’important est de nous rendre compte de notre position, de savoir en quel lieu du