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VOYAGE

Jack ne tarda pas à reconnaître dans cette épave son embarcation, que la haute mer avait sans doute précipitée sur la côte.

« Regardez, monsieur Arthur, fit-il avec un accent de terreur. Je ne me trompe pas, l’infâme Black Peter est au milieu d’eux, et c’est lui qui les aura guidés sur cette côte pour s’emparer de nous.

— Ou plutôt de ce qui reste de nos provisions. Ces sauvages n’ont pas le moindre désir de faire connaissance avec nos armes à feu ; d’autre part, en admettant qu’ils nous fissent captifs, ils seraient fort embarrassés de nos personnes. Le mieux est de décamper au plus tôt, il ne faut pas qu’ils nous découvrent. Allons Jack c’est bien convenu il faut partir de cette île maudite. »

Les deux jeunes gens s’éloignèrent avec autant de précaution qu’ils en avaient mis à approcher, et ils eurent bientôt rejoint Hugues et Gérald, qui emportaient l’écorce non sans difficultés. Ils les aidèrent, et, de cette façon, parvinrent plus vite auprès des autres naufragés de la baie de l’épave.

Max Mayburn fut très découragé en apprenant la visite des naturels ; mais la présence du méchant Black Peter parmi eux le remplissait de terreur.

« C’est la place de ce bandit, s’écria Wilkins, un chien enragé au milieu des tigres. Convenez qu’il sera opportun de se débarrasser de ce misérable s’il se présente à portée de notre fusil ! Je sais qu’il me cherche pour m’emmener avec lui, et que, si je refuse, il me tuera. C’est un homme sans foi ni loi, et il veut se venger.

— Nous ne lui avons cependant fait aucun mal, objecta Marguerite ; mais n’ayez pas de crainte, Wilkins, vous ne courrez aucun risque avec nous. Vous avez choisi la bonne route ; il n’est pas probable que vous cédiez de nouveau à de mauvais conseils.

— Je l’espère, miss Mayburn, quoique la vie libre ait bien des charmes. N’importe ! je combattrai le mauvais esprit qui souffle de nouveau sur mon cœur.

— Et vous agirez sagement, mon pauvre garçon, ajouta Max Mayburn. Je vous engage à prier Dieu pour qu’il vous donne la force de résister au démon tentateur. »

Wilkins se mit à pleurer, et ses amis le consolèrent de leur mieux. Les naufragés ne se sentaient pas eux-mêmes en sûreté tant que les naturels resteraient dans leur voisinage. Il fut convenu que Jack accompagnerait Arthur sur la falaise pour surveiller les agissements des sauvages, et découvrir, si faire se pouvait, leurs projets et les motifs qui les avaient amenés dans l’île.

Tandis que les deux fortes têtes du campement s’éloignaient, Hugues et Gérald transportaient la grande écorce dans la grotte, et ajoutaient à ce déménagement la voile qui servait de tente et tous les objets qui eussent pu trahir leur présence sur le rivage. Il avait été convenu d’avance que, si Jack et Arthur redoutaient le moindre péril, ils siffleraient d’une certaine façon, pour que toute la famille eût le temps de se réfugier dans la grotte du promontoire.

Les deux jeunes gens s’avançaient sous le taillis, dans la direction de l’endroit où ils avaient vu les sauvages, sans être aperçus d’eux. Ils y arrivè-