Page:Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
VOYAGE

canot que les sauvages n’avaient pas pu emmener, et qui devait appartenir sans doute à ceux qui aidaient Black Peter dans la manœuvre de l’embarcation.

Ce n’était pas une prise de valeur, car à peine pouvait-il contenir une seule personne à l’aise ; mais Jack fut à même de se rendre compte de la façon dont les naturels construisaient leurs esquifs, et c’était là le point essentiel.

« Nous allons emporter ce canot, n’est-ce pas, monsieur Arthur ? fit-il ; un échange n’est pas un vol, et certes ce « bibelot » ne vaut pas ma barque.

— Mon avis est qu’il est plus sage de laisser ici ce spécimen de l’art de naviguer des sauvages, répliqua Arthur. Les hommes noirs reviendront certainement ici pour le chercher, et s’ils ne le trouvent plus, ils seront convaincus que nous n’avons pas quitté l’île. D’un autre côté, Black Peter croira que nous avons péri en sombrant avec votre embarcation, et il ne nous poursuivra plus. Le canot que voici, – regardez-le bien, est terminé des deux côtés, poupe et proue, par des écorces filamenteuses que nous pouvons nous procurer dans les bois. Nous nous servirons de cordes de chanvre, qui sont bien préférables, et dont nous avons une provision. Quant au fond, à l’endroit de la quille, nous le fortifierons avec une seconde écorce ou avec des planches minces. Voilà donc qui est convenu : nous laissons le canot à sa place.

— C’est bien ! Je me fais fort de travailler mieux que ces moricauds, répliqua Jack. Bonté du Ciel ! voilà qui vaut mieux que le canot, s’écria-t-il et, qui plus est, c’est ma propriété que je retrouve. »

En effet, c’était une petite scie qui avait été oubliée sous les branches du manglier, et dont Black Peter s’était servi.

Arthur, s’étant consulté avec toute sa prudence, consentit à ce que Jack emportât la scie ; d’ailleurs, à la place où se trouvait cet instrument, il eût été entraîné par la marée montante.

Les deux jeunes gens, charmés de leur trouvaille, se hâtèrent de retourner auprès des autres naufragés, afin de leur apprendre que tout danger avait cessé, et que les sauvages s’étaient éloignés.

Hugues et Gérald manifestèrent une grande colère en apprenant le nouveau vol de Black Peter. Wilkins morigénait Jack, lui reprochant sa maladresse, puisque le convict, ami des sauvages, avait été plus adroit que lui, et était parvenu à rendre le bateau navigable.

« Nous ne savons pas cependant comment s’est terminé le voyage de Black Pater, observa Marguerite. Qui peut dire que le bateau ne s’est pas enfoncé dans un endroit de la mer où tout moyen de salut a été impossible ?

— Plaise à Dieu que cela ait été ainsi » fit Wilkins.

Max Mayburn réprimanda celui-ci pour ce vœu antichrétien, en lui faisant observer qu’il eût bien mieux valu prier pour que cet homme méchant se repentît.

« Lui, avoir des remords ! allons donc, Monsieur, ce serait aussi impossible que de voir mademoiselle Marguerite devenir une sauvagesse. Black Peter est incorrigible. Il est venu au monde dans la peau d’un coquin, et il mourra dans celle d’un mécréant.

— Ne parlez pas ainsi Wilkins, riposta Max Mayburn. Nul être humain,