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VOYAGE

— C’est mal agir et c’est offenser Dieu, répliqua Max Mayburn. D’ailleurs qui sait ce qui serait advenu d’un pareil incendie ?

— Qu’importe ! cela n’a aucune valeur, et l’herbe pousse si vite dans ce pays ! ajouta le convict. Mais voilà miss Ruth qui nous apporte un échantillon d’une plante qui a son prix. »

En effet, la jeune fille, qui avait pour coutume de donner la liberté à ses poules à tous les endroits où l’on faisait halte, afin qu’elles pussent respirer librement et picorer à leur aise, tandis qu’elle s’occupait de leur procurer de la nourriture, des graines, des baies, toutes choses bonnes à manger, revenait de son excursion en apportant une gerbe ressemblant à de l’avoine verte.

« Voilà d’excellentes graines qui seront mûres en novembre, dans ce pays qui produit deux récoltes. Voyez la quantité de graines dans chaque épi. La paille doit avoir au moins quatre à cinq pieds de haut. M’est avis que c’est ce que l’on appelle l’anthislirsa. Bravo ! ma chère Ruth ; il y a là de quoi bien nourrir tes poules, et il paraît que cette avoine est abondante dans ce pays-ci. Ah ! si nous avions un moulin pour moudre ce grain, nous pourrions un peu plus tard manger un pain délicieux.

— Je ne pense pas que nous trouvions un moulin debout dans ces parages, ajouta Wilkins ; mais, avec de l’intelligence l’homme arrive à tout. Veuillez me donner une poignée de ce grain, Mademoiselle. »

Wilkins, ayant pris les tiges d’avoine et les ayant triées, se procura deux pierres plates, plaça sur l’une d’elles les grains, qu’il réduisit en poussière à l’aide de l’autre. Cela fait, il donna cette farine à Jenny Wilson en lui disant :

« Voilà de quoi fabriquer une fouace à la mode des rôdeurs des bois. Ce n’est pas fameux, mais mieux vaut du mauvais pain que rien du tout. »

Et Wilkins indiqua à la brave femme la manière usitée par les convicts échappés pour faire cuire une sorte de galette sur la cendre chaude, comme cela se pratique dans les déserts de l’Australie, aussi bien que dans les colonies des émigrants européens.

Quelle qu’elle fût, cette nourriture primitive parut très savoureuse à ceux qui depuis si longtemps n’avaient pas mangé de pain. Seulement, comme la pâte était dure et sèche, Jenny y ajouta de la farine de pomme de terre, ce qui la rendit plus savoureuse et plus mangeable.

« Je suis d’avis, dit Wilkins, de faire bouillir cette avoine en guise de légumes, et ce plat accompagnera assez bien notre rôti de gibier. Nous allons donc cueillir une certaine quantité de cette avoine pour l’emporter avec nous. À tout hasard, nous en nourrirons les poules. »

Les jeunes gens s’empressèrent de couper de nombreuses brassées de ce grain, qu’ils laissèrent se faner pendant la nuit ; puis ils foulèrent les épis, et remplirent plusieurs sacs avec l’avoine décortiquée. Ruth, elle, s’était chargée de la part destinée à ses poules.

Comme la chaleur était excessive au milieu du jour, il fut convenu qu’on ne se mettrait en route que vers deux heures après midi. En attendant l’instant du départ, les jeunes gens, laissant à Marguerite le soin de préparer des corbeilles de jonc, s’en allèrent à la découverte et revinrent, vers