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Page:Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885.djvu/94

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AU PAYS DES KANGAROUS

midi, avec une ample provision de poissons pêchés dans les clairs ruisseaux de la contrée.

« Ma chère Marguerite, dit Gérald à la sœur de son ami Arthur, je vous apporte un bouquet de fleurs qui se vendrait bien cher en Angleterre. Merci, et mille fois, aimable jeune homme. Tenez, mon père, voici de quoi vous livrer à l’admiration de la belle nature. Quelles sont ces « illustres étrangères » ? Il me semble que voici du jasmin pareil à celui de nos berceaux de jardins anglais.

— En effet, répondit Max Mayburn, cette fleur ressemble au jasmin de notre pays ; mais l’espèce en est différente. Voilà aussi un bouton-d’or qui n’est pas celui de l’Irlande, des roses inédites, des pois de senteur inconnus, des mauves arborescentes, toute une nouvelle flore. Le docteur Solander, qui a découvert cette île et l’a nommée « Botany-Bay » (la Baie de la Botanique), avait compris la riche moisson que les amateurs de plantes pourraient faire dans ces parages. On ne se lasse pas, chers enfants, dans la promenade que nous faisons ainsi à travers ces déserts inconnus.

— Oui mais je regrette de trouver ici des mouches et des moustiques dont les piqûres sont loin d’être agréables, observa Hugues, dont le nez était cruellement pointillé.

– J’en conviens, dit Gérald. Bah ! il faut s’habituer à tout.

– Attention mes amis, » fit à ce moment Arthur en désignant, au milieu de l’espace où l’on avait coupé le grain, un énorme serpent jaune et brun qui s’avançait doucement, par ondulations saccadées, à une distance de vingt mètres.

Les femmes avaient poussé un cri d’effroi ; les hommes réprimaient un sentiment de crainte, et l’on ne savait pas trop quel parti prendre. Gérald avait saisi un bâton qu’il brandissait pour en casser l’épine dorsale de l’anaconda, lorsque Wilkins l’arrêta en disant :

« Restez donc tranquille. Cette espèce de serpent ne mord pas, mais elle broie un corps vivant comme le ferait une meule de moulin. Laissez faire le reptile, il ne songe pas à nous attaquer ; surveillons-le plutôt. »

Au moment où le convict parlait de la sorte, un joli animal au pelage gris foncé, que les voyageurs reconnurent aussitôt, sans en avoir jamais vu de pareil, sortit, en bondissant, du milieu de l’herbe ; et, au moment où les jeunes gens s’écriaient « Un kangarou un kangarou » le hideux serpent s’élança, enveloppa dans ses replis le gracieux quadrupède, qu’il ne tarda pas à étouffer. C’était prévu.

« Maintenant il est à nous, s’écria Wilkins : attaquons-le tous ensemble. »

Et tout aussitôt les jeunes gens, armés de bâtons, se jetèrent sur le serpent, le frappant à la tête à coups redoublés. L’anaconda, cherchant à se défendre lâcha sa proie mais au même instant les jeunes chasseurs l’attaquèrent à coups de couteaux jusqu’à ce qu’il tombât sur le sol.

« Assurons-nous surtout de sa mort, dit le convict ; nous pourrons faire ensuite comme les noirs de ce pays, qui mangent du serpent en guise d’anguille. »

Une pareille « matelote » n’était point du goût des estomacs civilisés de