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VOYAGE

nos voyageurs ; aussi abandonna-t-on le serpent à la voracité des animaux carnassiers, après avoir pris cependant le temps nécessaire pour l’examiner en détail.

Le boa en question avait vingt pieds de long ; il ressemblait plutôt à ses congénères africains qu’à ceux des grandes espèces d’Amérique. Max Mayburn eût bien désiré en garder la peau ; mais il y avait tant de paquets à porter, qu’il dut renoncer à cette idée.

« Emportons plutôt ce kangarou, qui est un délicieux gibier, observa le convict ; le train de derrière passe pour un mets excellent. »

Le kangarou étouffé par le boa était de la petite espèce, tout en ayant quatre pieds de long. Le reptile lui avait brisé les côtes, et, dans la poche que la gracieuse bête portait sous le ventre, il y avait un petit étouffé comme sa mère. Wilkins, lorsque la curiosité de tous eut été satisfaite, dépouilla le marsupial de son enveloppe poilue, qu’il étendit à l’aide de bâtons pour la faire sécher, dans l’intention d’en faire des bottes au besoin.

Avant de s’éloigner, on fit rôtir la chair du kangarou, qui devait servir au souper ; puis chacun se mit en route dans la même direction que celle suivie la veille, s’avançant sans alarmes à travers un paysage enchanteur, peuplé d’oiseaux de toutes sortes, embelli par des fleurs multicolores : un vrai paradis terrestre, une nouvelle Arcadie.

La nuit, qui survient très vite sous les tropiques, contraignit les voyageurs à s’arrêter au pied de collines à l’aspect sauvage, couvertes de broussailles et sises dans le voisinage d’une vaste forêt. De petits ruisseaux coulaient deci delà, une herbe drue poussait sous les arbres ce qui prouvait que l’on était bien éloigné de la contrée aride du pays.

Le repos de la nuit fut troublé par des cris poussés par les indigènes, à une certaine distance toutefois. Afin de permettre à Max Mayburn et aux « dames » de reposer, il fut convenu qu’on ferait bonne garde. Wilkins fut d’avis que les deux « veilleurs » de nuit devaient parler très haut, de façon que les sauvages restassent éloignés ; car ils n’attaquent jamais une caravane qui se tient sur ses gardes.

« Ces moricauds-là vont nous suivre, monsieur Arthur, dit Wilkins au jeune homme resté en sentinelle avec lui c’est leur façon d’agir. Ils espèrent pouvoir attaquer ceux qui ne s’y attendent pas, pour les voler et les assassiner j’ajouterai même pour les manger au besoin.

— Allons donc ! les habitants de l’Australie ne sont pas comme ceux de la Nouvelle-Zélande. C’est une erreur.

— Vous ne parleriez pas ainsi si je vous montrais un jour, le long de notre route, des os rongés qui n’ont jamais appartenu à la carcasse d’un kangarou ou d’un opossum. Vous savez bien que la chair humaine passe pour avoir meilleur goût que celle d’aucun gibier. En somme, je suis sûr de ce que j’avance ; et nous n’avons pas eu de chance en nous laissant voler un fusil par Black Peter.

— Qu’importe je ne m’en serais point servi contre ces malheureux, répliqua Arthur. Je ne me crois pas le droit de tirer sur un habitant de ce pays, comme je le ferais sur un kangarou.

— Il y a ceci de vrai, Monsieur, ajouta le convict c’est qu’un kangarou