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VOYAGE

m’a dit qu’elle allait sortir pour chercher de l’eau. C’est une bonne travailleuse, monsieur Wilkins, mais elle a ses façons à elle.

— Drôles de façons, qui auraient pu donner accès dans notre chambre à coucher à une centaine de moricauds ! Je crois, mon cher Jack, que nous ferons bien d’aller à la recherche de votre sœur. »

Les voyageurs furent très mécontents en apprenant la sortie extra-matinale de Ruth ; mais ils se dirent qu’après tout elle ne devait pas être bien loin, car, devant la grotte, se trouvaient une mare et des ruisseaux où l’eau coulait en abondance.

Quelques minutes s’étaient à peine écoulées, que l’on entendit des cris stridents au dehors. Chacun s’empara de l’arme qui lui tomba sous la main, et, parvenus devant l’orifice de la grotte, on put voir la jeune fille courant à perdre haleine du côté du campement poursuivie par six indigènes entièrement nus et armés de zagaies. Ces noirs allaient évidemment s’emparer de Ruth si l’on ne se portait aussitôt à son secours.

« Il faut crier à pleins poumons, s’écria Wilkins, et leur adresser une volée de flèches ; visez juste. Tous les coups doivent porter ; c’est indispensable, sinon nous sommes perdus. »

Les indigènes brandissaient leurs zagaies ; mais les voyageurs se mirent à pousser des hurlements et montrèrent leurs couteaux, dont les scintillements au soleil effrayèrent les premiers. Ceux-ci s’arrêtèrent et regardèrent en arrière, comme s’ils s’attendaient à voir leurs camarades arriver à leur secours. Il n’en était rien ; aussi, se voyant seuls, les sauvages lancèrent leurs armes et se sauvèrent au milieu des buissons.

Ruth était tombée de peur sur le sol, et quand Jack la releva, il s’aperçut qu’elle avait été blessée à l’épaule. Par bonheur, ce n’était qu’une égratignure la flèche avait été retenue par le vêtement et n’avait fait qu’effleurer la peau.

« Ils vont me manger ! criait-elle. Ils nous croqueront tous. Qu’est-ce que Jenny va dire ? Ils m’ont pris ma calebasse pour porter de l’eau ! »

La malheureuse créature avait, en effet, dans un moment de terreur, laissé tomber cet ustensile de ménage, et c’était une perte réelle. Tandis que Gérald ramenait Ruth à la caverne les autres jeunes gens se dirigèrent vers les mares et les ruisseaux, avec l’espoir de retrouver la gourde et dans l’intention de rapporter de l’eau.

Le récipient fut, en effet, retrouvé et l’on se hâta de le remplir pour revenir bien vite au campement, où régnait une véritable panique.

« Je suis d’avis de nous éloigner rapidement d’ici, disait Max Mayburn.

— N’en faisons rien, répliqua Wilkins, qu’Arthur interrogeait du regard. Comment pouvons-nous fuir à travers la plaine, chargés comme nous le sommes ? Nous ne tarderions pas à voir à nos trousses une centaine de noirs, si ce n’est plus, dans le hideux costume que vous savez.

— Mais, mon pauvre garçon, si nous demeurons ici, nous serons massacrés, observa le vieillard.

— N’ayez pas peur, cher père, répliqua Arthur. Wilkins me paraît être d’avis de rester ici et d’y soutenir un siège, jusqu’à ce que ces sauvages soient fatigués de nous tenir en respect.