Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

IV. — LE BONZE KICENN

Ma hutte
Est au sud-est de la capitale :
Ainsi je demeure.
Et les hommes disent
Que le monde est une Montagne de mélancolie[1] !

(XVIII, Divers, 2. — H.-i., nº 8.)

V. — ONO NO KOMATCHI

La couleur de la fleur
S’est évanouie,
Tandis que je contemplais
Vainement
Le passage de ma personne en ce monde[2] ;

(II, Printemps, 2. — H.-i., nº 9.)

    cette poésie repose sur un jeu de mots qui s’adresse à l’oreille d’abord, mais aussi, je crois, à l’imagination visuelle. En effet, arashi, « têmpête », évoque l’idée d’araki, « sauvage ». « Tourmente » est le seul mot français qui puisse rendre un peu cette impression. D’autre part, arashi s’écrit avec un caractère chinois qui se compose des deux clefs « montagne » et « vent » ; ce qui exprimé bien la nature de ce « Vent de la montagne ».


  1. Ces vers justifient à merveille la réputation d’obscurité que
    Tsourayouki a faite à Kicenn (voir plus bás, Préface du Kokinnshou,
    p. 148 et p. 149, n. 1). On peut les entendre, en effet, de deux façons
    entièrement opposées. Le fondement de la poésie est une allusion « la
    Montagne ď’Ouji, dont le nom évoque, si l’on veut, l’idée de tristesse,
    de dégoût du monde, de mélancolie (oushi). Mais, ceci posé, le poète
    a pu vouloir dire deux choses. Ou bien, dans un sens optimiste :
    « Je me suis installé sur la Montagne d’Ouji : a, je ris tranquille et
    heureux ; pourquoi s’obstiner à soutenir que ce monde est une
    Vallée de larmes ? » ou bien, dans un sens pessimiste : « Je me suis
    retiré sur la Montagne d’Ouji : c’est là que j’ai cherché un refuge
    pour oublier le monde, avec ses douleurs ; et le nom même de ca
    lieu me les rappelle ! » La première interprétation me semble d’ailleurs
    préférable, « ainsi je demeure » étant une expression que les
    Japonais ont coutume de prendre en bonne part.

  2. One no Komatchi (834-880), femme aussi célèbre par sa beauté
    que par son talent poétique. Sa tannka justement exprime avec un
    art admirable les regrets que lui cause la perte de cette beauté, rendue
    inutile par son orgueil. D’un bout à l’autre, une métaphore se
    poursuit, où la destinée de la fleur est associée à celle de la poétesse
    et cette métaphore éclate, aux deux derniers vers, en des jeur de