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ANTHOLOGIE DE LA LITTÉRATURE JAPONAISE

action encore plus profonde que celle du christianisme sur les nations d’Occident. Mais, en attendant, l’antique religion naturiste du pays, c’est-à-dire le shintoïsme, conservait sa pureté primitive avec un soin d’autant plus jaloux qu’il lui fallait lutter contre un culte envahissant, et les classiques chinois n’avaient encore altéré en rien les caractères natifs de la race. Les seuls monuments littéraires que nous ait laissés cette période, à savoir des Chants primitifs et des Rituels sacrés, sont l’expression de ce génie national qui d’ailleurs, en s’assimilant avec art toutes les importations étrangères, devait conserver jusqu’à notre époque une puissante vitalité.

II. — La période suivante, qui répond au temps où Nara fut la capitale (710-784), et qui remplit en somme presque tout le viiie siècle, peut être appelée : le siècle de Nara. Lorsqu’on visite aujourd’hui, dans les montagnes du Yamato, les vestiges de cette illustre cité où, pour donner aux pompes de la nouvelle religion un cadre digne de leur splendeur, des artistes coréens enseignèrent à leurs confrères japonais tous les secrets de l’art bouddhique, depuis l’architecture des temples et des pagodes jusqu’aux moindres finesses de la statuaire en bois et de la peinture murale ; lorsqu’on mesure la majesté de cette civilisation au colossal Bouddha de bronze qui en est resté comme la personnification grandiose ; lorsqu’on s’imagine enfin le spectacle que devait dérouler, sous ses opulents costumes chinois, une cour éprise avant tout de somptueuses cérémonies, on comprend pourquoi, même au palais de Kyoto, les poètes ne cessèrent de soupirer en pensant à la gloire passée de leur ancienne capitale. Mais ce siècle, si brillant par ses arts, ne fut pas moins riche au point de vue littéraire. Inauguré par la fondation d’une première Université, dont les quatre facultés d’his-