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ANTHOLOGIE DE LA LITTÉRATURE JAPONAISE

toires sur les seigneurs, mais ensuite, égaré par une folle ambition, alla faire la conquête de la Corée et mourut au moment où il rêvait celle de la Chine ; Iéyaçou enfin, un politique de génie qui, après avoir servi Nobounaga et Hidéyoshi, puis triomphé, en l’an 1600, du fils incapable de ce dernier dans une bataille décisive, se trouva le maître suprême, joignit à l’esprit organisateur d’un Napoléon la modération d’un sage chinois, sut dompter la féodalité, unifier l’empire, imposer l’ordre à l’intérieur, la paix avec l’extérieur, et fonda ainsi sur des bases solides ce grand shôgounat des Tokougawa qui allait donner au Japon deux siècles et demi de tranquillité profonde. La période qui s’étend de son élévation au pouvoir, en 1603, à l’abdication du dernier de ses successeurs, en 1868, est une des plus belles époques de la civilisation japonaise. Avec la paix, la prospérité matérielle est revenue, et, dans ce milieu favorable, la pensée va pouvoir refleurir. La capitale des Tokougawa, Édo, devient un centre brillant qui, de nouveau, attire vers l’est presque toute l’activité artistique et intellectuelle. Le trait dominant de cette époque féconde en idées et en travaux, c’est que la littérature s’y démocratise. Tandis qu’autrefois les auteurs n’écrivaient que pour une élite restreinte, maintenant ils s’adressent de plus en plus à la multitude, qui, de son côté, exige qu’on s’occupe d’elle. C’est que, grâce à un gouvernement éclairé, l’instruction s’est répandue dans le peuple ; que, par l’effet du progrès économique, les classes laborieuses ont désormais plus d’argent pour acheter des livres, avec plus de temps pour les goûter ; et enfin que l’imprimerie, connue des Japonais dès le viiie siècle, mais développée surtout depuis la fin du xvie, est venue donner à ce mouvement son élan définitif.