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quel pouvoir nous avons fait ceci ; or, c’est un mystère, et le sens de ces étoiles est un mystère.

À ces mots, il s’entoura de ténèbres ainsi qu’Anhelli, et ils partirent.


VII

LES MINES DE LA SIBÉRIE


Et le chaman dit :

Désormais nous ne ferons plus de miracles, nous ne montrerons plus la force divine qui est en nous, mais nous pleurerons ; car nous sommes arrivés chez des peuples qui ne voient pas le soleil.

Et il n’est pas besoin de leur donner la science, car le malheur ne les a que trop instruits ; et nous ne leur donnerons pas non plus l’espérance, car ils ne croiraient pas ; dans le décret qui les a frappés était écrit : Pour jamais !

Voici les mines de la Sibérie !

Marche doucement, car cette terre est pavée d’hommes endormis. Entends-tu ? ils respirent bruyamment, et quelques-uns d’entre eux gémissent et parlent en rêvant.

L’un rêve de sa mère, l’autre de ses sœurs et de ses frères, celui-ci de sa maison et de celle que son cœur aimait, et des champs où les épis se courbaient devant lui comme devant leur seigneur, et ils sont heureux pendant leur sommeil ; mais ils s’éveilleront.

Dans d’autres mines hurlent les criminels : mais celle-ci est le tombeau des patriotes, et elle est pleine de silence.

Les chaînes retentissent ici d’un bruit lugubre, et sous ces voûtes sont divers échos ; et parmi ces échos il en est un qui répète : Je vous plains !

Tandis que le chaman s’apitoyait sur ces infortunés, des gardiens et des soldats entrèrent avec des lances pour éveiller les dormeurs : c’était l’heure du travail.

Tous se levèrent donc de terre, et ils s’éveillèrent, et ils marchaient comme des brebis, tête basse, hormis un seul qui ne se leva point, car il était mort en dormant.

Alors Anhelli s’approcha de ceux qui allaient au travail avec des marteaux, et demanda à l’un d’entre eux à voix basse quel était ce mort et à quelle maladie il avait succombé.