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revue musicale de lyon

dierons longuement au moment de sa création au Grand Théâtre.

Le Figaro (Gabriel Fauré).

« Le haut talent de M. d’Indy se présente en état de superbe et absolue indépendance. Trop peu apparente dans Fervaal, sa personnalité, dans l’Étranger, éclate vivement. De l’imperturbable technique qu’il y manifeste, des trouvailles d’instrumentation qu’on y rencontre à tout instant, que dire qui n’ait été dit cent fois ?

« Ce qui importe c’est que dans cette œuvre belle et puissante, la vie circule constamment, c’est qu’à l’encontre d’autres œuvres de M. d’Indy, la sensibilité et l’émotion y tiennent la plus large place.

« Ce qu’il faut dire encore, c’est que l’Étranger ne peut manquer d’ajouter à la gloire de la musique française contemporaine un beau rayon de plus. »

Le Gaulois (Fourcaud).

« On ne peut mettre une technique plus forte, ni plus souple et plus homogène au service des développements, des compénétrations et des contrastes thématiques avec une instrumentation plus colorée, plus mouvementée plus diverse et plus fermement particularisée. L’auteur est un maitre de volonté intérieure et, tout ensemble, de puissance picturale. Il l’a montré supérieurement dans son magnifique tableau final de la tempête. Je ne lui demande pas l’épanouissement original de la mélodie. Sa personnalité s’accuse en d’autres objets, mais elle s’accuse d’une autorité, d’une conviction, d’une possession de soi auxquelles je rends hommage. »

Le Journal (Catulle Mendès).

« Souvent, la musique trouble, détourne, précise peu, fait sentir plutôt que penser ; cette fois, c’est par la musique que tout s’exprime, et devient clair. Ce que vous n’avez pas compris tout à fait par la lecture du livret, ou par la trop rapide analyse que j’en ai faite, vous le concevrez, avec une netteté saisissante, par l’invention mélodique, ou mieux que jamais encore M. Vincent d’Indy s’est affirmé comme un personnel créateur, et par une polyphonie orchestrale si extraordinairement subtile, simple, insinuante, et vivante, et poignante, et si pleine de tous les sons exprimeurs de toutes les idées et de tous les paysages du drame, qu’on se demande, vraiment, s’il ne serait pas suffisamment joué s’il n’était joué que par le seul orchestre !…

« L’effet, ce soir, a été si puissant qu’il ne me souvient pas d’avoir jamais vu une foule possédée et comme envoûtée d’une émotion plus dominatrice ; l’admirable, c’est qu’une telle émotion soit due, non pas à quelque situation théâtrale, adroitement poignante mais à la parfaite et auguste Beauté. Il est des moments où, par une grâce spéciale, un grand artiste devient mieux encore qu’un grand artiste ; où il est illuminé vraiment d’une divinité intérieure : c’est dans l’un de ces moments que M. Vincent d’Indy a conçu et réalisé la suprême partie de son drame. »

L’Écho de Paris (H. Gauthier-Villars).

« Peu à peu, le goût s’épure, en dépit des professeurs attardés qui s’obstinent à gaver leurs élèves de nigauderies sentimentales aussi déshonorantes pour la musique que le sont, pour la plastique, les statues polychromes du quatre Saint-Sulpice. Les concerts dominicaux ont fait beaucoup pour déniaiser le public. Il y a vingt ans, le succès de l’Étranger eût été impossible. En 1903, les plus encroûtés reconnaissent bon gré mal gré que, réussie, cette œuvre marquera une date dans l’histoire de la musique française, et que M. d’Indy « se trouvera d’avoir joué le rôle le plus considérable et le plus bienfaisant », style piètre, mais aveux significatif.

« Aussi bien, cette musique est beaucoup plus simple que celle, très pittoresque, de Fervaal, où toutes les ressources de l’orchestre concouraient à enrichir l’œuvre d’éclatantes sonorités. Tantôt en une page saisissante, l’invocation de Vita, — Mlle Bréval y est admirable — les voix humaines traitées à la façon orchestrale contribuent, chœur invisible, à l’ensemble symphonique ; tantôt en certains passages de drame intime, les instruments semblent parler avec la voix même et l’émotion des personnages, musique et poème, se pénètrent intimement formant un tout parfait, résultat d’une volonté puissamment logique et produisant un effet d’autant plus grandiose qu’il est obtenu par des moyens plus sobres. »

La revue musicale de lyon est mise en vente dans les Kiosques et chez les Marchands de Musique, le Mardi soir avant 6h.

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