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4 timbales, les autres instruments à percussion n’apparaissant que d’une façon extrêmement courte, et à de longs intervalles.

L’orchestre se complète par 6 harpes et un glockenspiel ou carillon de timbres.

La Partition

Le Crépuscule des Dieux, disions-nous au début de cette étude, est l’œuvre où se trouve le plus complètement développé le procédé wagnérien de la dernière manière, c’est-à-dire arrivé à son plus haut degré de perfection et d’individualisation. Mélodiquement, elle est la résultante du système des motifs conducteurs logiquement et, pour ainsi dire, mathématiquement traités.

Il n’est pas en effet, dans ce drame, une idée, une situation, un état d’âme qui ne soit exprimé, interprété et traduit par le passage à l’orchestre ou au chant d’un thème caractéristique. Nous n’aborderons pas ici la question de savoir si Wagner avait, dès le début de son œuvre, prévu, fixé et catalogué ses leitmotive, ou s’ils ne lui sont apparus comme nécessaires qu’au cours de l’élaboration ; nous ne rechercherons pas s’ils sont le produit de sa raison ou de son inspiration géniale. Nous nous contenterons d’adopter les dénominations usitées couramment, et d’étiqueter les thèmes, parce que, si cela n’est pas absolument rationnel, cela est du moins extrêmement pratique. Ce qui est bien particulier à cette période de l’œuvre wagnérienne, c’est que le motif conducteur n’y est plus employé à l’état de simple rappel, à l’état fondamental, mais qu’il est, suivant les besoins et les circonstances, modifié, altéré dans son mode, dans son rythme, dans sa cadence, et surtout, fondu avec d’autres thèmes pour peindre la complexité d’un psychisme ou d’une situation scénique. C’est aussi que le motif conducteur primitif peut se transformer en un dérivé constituant une véritable trope, une véritable figure de rhétorique musicale. On ne saurait qualifier autrement le thème de l’enclume devenu thème représentatif de la démarche claudicante de Mime.

Cette souplesse, cette facilité de l’altération du thème donnent à cette musique incomparable une finesse de coloris, une richesse de teintes inimaginables. La fusion des motifs, leur passage continuel d’une partie orchestrale à l’autre, font qu’on les réentend sans cesse sans se lasser, tandis que chez les imitateurs du Maître, le peu de soin qu’ils ont pris de varier la présentation de leurs thèmes, en fait à la longue d’intolérables redites. Citons, entre mille, le thème du Zaïmph (cor, sol bémol) dans Salammbô et celui de Sigurd, perpétuellement sonné au grave, dans l’œuvre trop célèbre de Reyer. La comparaison de ce dernier motif avec celui de Siegfried gardien de l’épée, vient aussitôt à l’esprit. Il reparaît, incomptablement, à chaque page de la Tétralogie, et qui cependant s’en est jamais lassé ? Mais aussi quelles modifications profondes il subit, quels sens variés et subtils il exprime, depuis la note lugubre qu’il exhale lorsque Mime raconte la naissance du héros, jusqu’à la triomphante victoire qu’il claironne, lorsque Brünnhilde, éperduement serre dans ses bras le guerrier vainqueur de Wotan, depuis les éclatantes fanfares qui passeront à l’orchestre toutes les fois qu’il rappellera cette victoire, jusqu’au souvenir douloureux et navré, que ce thème altéré figurera dans le Trauermarsch.

Le principe de la filiation des thèmes représente un problème musical des plus complexes, que nous ne pouvons qu’esquisser ici. Parmi les motifs conducteurs, les uns sont caractéristiques d’un personnage : Hunding, Gunther, Hagen, etc., d’autres, les plus importants, expriment des notions, des concepts, et leur contexture est d’autant plus floue, que l’idée générale qu’ils rendent sensible est plus vague, plus compréhensible et plus étendue. Le thème originel, celui qui a donné naissance à la plupart de ces motifs généraux, c’est celui qui apparaît au début du Rheingold, c’est le thème de la nature, ou des éléments primordiaux, c’est l’Urmelodie, formée en définitive des constituantes de l’accord parfait, auquel viennent s’ajouter secondairement des notes de passage, et qui se complète par un dessin de cordes, schématisant les ondulations, les vagues du fleuve. De ce thème originel, vont dériver très simplement tous ceux qui ont les constituantes de l’accord parfait pour base, c’est-à-dire le thème de Nothung, celui d’Erda, celui de la détresse des dieux (Goetternoth). Ces deux derniers appartiennent au mode mineur. Le retour