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années, le jeune homme vient lui rapporter le fruit de son travail et l’avenir de sa volonté ; il ne faudrait pas confondre l’enthousiasme des cœurs qui s’ouvrent à lui et l’expression d’une joie nationale avec les démonstrations frénétiques d’un parterre de dilettantes.

Il y a, ce me semble, dans ce rapprochement, quelque chose qui doit blesser un juste orgueil national et de sympathie dont je m’honore.

Veuillez, etc.

Franz Liszt.

Hambourg, 26 octobre 1840.

La seconde lettre a été publiée pour la première fois le 29 octobre dernier, dans le Neues Tageblatt de Stuttgard. Elle faisait partie des papiers posthumes du professeur Sigmund Lebert, dont le fils en a fait hommage à Mme Johanna Klinckerfuss. Ce fut, pour cette dernière, une délicieuse surprise, quelque chose comme le remercîment anticipé de Liszt, pour le dévouement et l’énergie avec lesquels, depuis deux ans, elle s’est consacrée à la glorification du Maître par le monument que l’on vient d’inaugurer. C’est en effet d’elle qu’il s’agit dans la lettre, et cette lettre nous reporte à l’époque pendant laquelle, élève préférée de Liszt, elle portait encore son nom de jeune fille : Johanna Schulz, et n’avait que seize ans.

Liszt écrivait à Lebert :

Honorable ami ! Depuis longtemps je voulais vous écrire et de nouveau vous remercier. Vous n’avez rien exagéré en me recommandant Mlle Johanna Schulz. Je suis heureux d’avoir trouvé en elle une remarquable, une exquise pianiste, qui fait particulièrement honneur à l’école de Stuttgard. La rare correction, le sentiment délicat des nuances et l’intelligence profonde qui distinguent ses interprétations m’ont réjoui maintes fois malgré toute la satiété que j’éprouve vis-à-vis du piano. Dites bien à Mlle Schulz que je suis plus que satisfait de son talent.

Je vous prie de présenter aussi mes plus amicales salutations à Mlle Gault. Les deux virtuoses seront toujours les bienvenues auprès de moi si elles retournent à Weimar.

Avec ma considération distinguée, je reste votre toujours amicalement dévoué.

F. Liszt.

Schillingsfürst, 13 octobre 1872.

À la fin du mois, je reviendrai à Pest où je passerai l’hiver, calme et assidu au travail, autant que je pourrai.

La Voix au Théâtre

(Extrait de Le Spectacle) :

« Si ce gaillard-là avait une voix, il ne s’amuserait pas à rouler du haut en bas d’un escalier, comme il le fait au cinquième acte de Salammbô. »
(Opinion d’un Spectateur).
« Si j’avais la chance de monter mes œuvres avec une troupe intelligente de jeunes acteurs, je leur demanderais de lire et de jouer la pièce. Après, je leur ferais étudier la musique. »
Richard Wagner.

Parmi les préjugés les plus couramment admis, dans la foule sincère et naïve au goût peu éclairé, il n’en est pas de plus curieux à analyser que celui qui fait généralement la base des appréciations d’un public, en ce qui concerne la définition des capacités réelles d’un artiste lyrique. Et cette opinion d’un inconnu, recueillie à la sortie de Salammbô, rapprochée de cette pensée de Richard Wagner, exprime bien dans sa candeur anonyme le degré de critique des foules incultes et susceptibles de s’émouvoir au seul éclat des catapultueux exercices vocaux, où excelle encore la majorité de nos chanteurs en renom.

Il semble, en effet, que le sens des mots harmonie et mélodie soit à jamais fermé à la moyenne, même éclairée, d’un public. Et, sans être trop pessimiste, il est permis de supposer que, pour longtemps encore, la compréhension des nuances et de l’expression que nécessite la déclamation lyrique restera le privilège d’une élite restreinte, qui se subdivise elle-même en sensibilités plus ou moins affinées.

Sensible seulement aux éclats dont la brutalité subjugue son jugement primitif et simple, le spectateur, en général, borne sa critique à deux termes : la note criée ou la note fausse et, sans définir qu’elles sont en elles-mêmes aussi désagréables et laides, il acclame l’une et bafoue l’autre, sans indulgence aucune pour une défaillance qui très souvent n’est qu’accidentelle, mais qui suffit à son critérium rudimentaire de l’art du chant.