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revue musicale de lyon

Représentations à l’étranger d’ouvrages français : à Bruxelles (Galeries Saint-Hubert), Yetta, opérette, paroles de M. Fernand Beissier, musique de M. Charles Lecocq (mars) ; à Londres, Maguelonne, opéra en un acte, paroles de M. Michel Carré, musique de M. Edmond Missa (juillet) ; et encore à Bruxelles (théâtre de la Monnaie), le Roi Arthus, drame lyrique en trois actes et six tableaux, poème et musique posthumes d’Ernest Chausson (décembre).

Ajoutons à la liste établie par notre confrère, la Vendéenne, drame lyrique d’Ernest Garnier, représenté au Grand-Théâtre de Lyon

Le Courrier Musical, au début de sa septième année, vient de transformer son format ancien en celui plus commode de notre Revue. Nous sommes heureux d’attirer l’attention des musiciens sur cette excellente publication, d’allure franchement progressiste qui, sous l’impulsion de notre confrère, Albert Diot, est en passe de devenir la première revue musicale de langue française. Nous avons eu plus d’une fois l’occasion de citer des articles du Courrier Musical et nous signalerons tout particulièrement le numéro du 1er janvier dont nous publions ailleurs le sommaire et qui contient des études de L. de la Laurencie, Jean d’Udine, Fledermaus, Camille Mauclair, Victor Debay et Paul Locard.

Chronique Lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE


Faust

On joue Faust en moyenne une vingtaine de fois par an ; ces vingt représentations se décomposent ainsi : quatre passables, quatre médiocres et douze grotesques. Cette année on s’en était tenu jusqu’à présent à la dernière catégorie, à telles enseignes que, la semaine dernière, le public pourtant bénin qui assiste en général à ces sortes d’exécutions, avait cru devoir protester avec quelque véhémence, contre les invraisemblables pantalonnades dont il était le spectateur. Cette petite manifestations est la cause d’un remaniement dans la distribution des rôles, et de l’intéressante représentation de jeudi dernier.

Faust est actuellement l’opéra le plus joué en France ; c’est le plus populaire, celui dont les motifs reviennent le plus souvent aux lèvres de l’ouvrier ou du bourgeois. Il n’est pas plus précieux critérium que ce succès, indice très sûr de la vulgarité d’une mélodie, de la banalité de sa facture, de son infériorité artistique. Tout ce qui, dans Faust, comme partout ailleurs, est tombé dans le domaine public, orgue de barbarie ou salon mondain, n’a pas plus de valeur que les romances pour jeunes filles ou les chansons de café-concert les plus décriées : c’est à ce niveau qu’il convient de ranger le chœur des soldats, les couplets de Siebel, et ce crime de lèse-esthétique qu’est l’Air des Bijoux. Mais il y a, à côté de cela, et précisément parmi les pages les moins universellement répandues, des scènes fort intéressantes, et qui convenablement interprétées, constituent encore une agréable audition.

Le rôle de Méphistophélès était dévolu, jeudi, à M. Sylvain. Ce rôle, on le sait, existe en deux états, et peut être chanté, soit par une basse noble, soit par une basse chantante. La première version qui est l’originale est aussi la meilleure. En outre, M. Sylvain compose le rôle avec une très grand intelligence scénique : de façon qu’on est doublement étonné d’entendre une voix chaude, colorée, pleine, ample et sonore, là où nous n’entendions d’ordinaire qu’un détestable assortiment de fausses notes, et de voir jouer avec talent et esprit un rôle qui d’ailleurs prête beaucoup et qui nous avait été jusqu’alors travesti lamentablement en une bouffonnerie prétentieuse.

M. Rouard avait été chargé du rôle de Valentin qu’il est rare d’entendre chanter par un baryton de grand-opéra. Là, encore, l’innovation était heureuse. M. Rouard, a d’ailleurs été excellent.

Le rôle de Faust était confié à M. Gauthier qui, ce soir-là, n’a pas commis la moindre fausse note. Le trio du duel, chanté par ces trois voix richement étoffées, a été pour beaucoup une véritable révélation. Il prend dans ces conditions une allure vivante et dramatique et devient une des scènes capitales de l’œuvre.