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1re Année
No15
Mardi 26 Janvier 1904

REVUE MUSICALE DE LYON

Paraissant le Mardi de chaque Semaine, du 20 Octobre au 20 Avril

Léon VALLAS
Directeur-Rédacteur en Chef

Principaux Collaborateurs
L. AGUETTANT ; Fernand BALDENSPERGER ; Gabriel BERNARD ; M.-D. CALVOCORESSI ; M. DEGAUD ; FASOLT et FAFNER ; Henry FELLOT ; Daniel FLEURET ; Albert GALLAND ; Pierre HAOUR ; Vincent d’INDY ; JOWILL ; Paul LERICHE ; René LERICHE ; Edmond LOCARD ; Victor LORET ; A. MARIOTTE ; Edouard MILLIOZ ; J. SAUERWEIN ; Georges TRICOU ; Jean VALLAS ; Léon VALLAS ; G. M. WITKOWSKI

CÉSAR FRANCK

(suite)
ii
L’Artiste

Pour laisser une trace durable dans la voie artistique qui se déroule à l’infini, tout poète d’idées, de couleurs, de formes ou de sons doit joindre à l’invention et à la science, ces deux piliers de l’Art, une qualité, rare entre toutes, la sincérité. Pour ne prendre d’exemple que dans la musique, il est incontestable que les grandes œuvres que le temps n’a pu effacer, depuis les « Selectissimes modulations » de Vittoria jusqu’à la Messe solennelle de Beethoven, en passant par les Passions et les Chorals de J.-B. Bach, émanent toutes d’artistes sincères, exprimant leur pensée intérieure sans rechercher la gloire ou le succès immédiat. Les drames de Gluck qui restent immortels sont ceux qu’il écrivit après son évolution vers la vérité expressive. Iphigénie en Tauride a moins vieillie que tel opéra contemporain, tandis qu’on ne pourrait plus lire Artamène ou la Chute des Géants du même Gluck. Et c’est une constatation bien curieuse à faire au point de vue de la philosophie de l’art que les quelques milliers d’opéras de l’école italienne postérieure à Scarlatti, école qui régenta despotiquement tous les théâtres de l’Europe pendant la plus grande partie du xviiie siècle, sont tombés actuellement dans l’oubli le plus profond et le plus mérité parce que les compositeurs de ces œuvres médiocres n’avaient eu en vue que la mode, l’effet et la virtuosité. Il commence à en être de même de la pernicieuse école judaïque du commencement de ce siècle, qui visait presque exclusivement au succès de public et d’argent. Les opéras d’Halévy ne sont plus supportables à la scène, et il en sera bientôt de même de Meyerbeer.

Qu’on me pardonne cette trop longue digression, mais je tenais à prouver que la sincérité est la condition nécessaire de durée de toute manifestation d’art, partant la plus importante des qualités pour l’artiste créateur. Or, je ne crains pas d’être contredit en affirmant que nul musicien moderne ne fut plus honnêtement sincère en ses œuvres comme en sa vie que César Franck, que nul ne posséda à un plus haut degré la conscience artistique, cette pierre de touche du génie.

Nous pouvons trouver dans plusieurs œuvres du maître qui nous occupe la preuve de cette assertion ; en effet, l’artiste