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été excellente. Peut-être l’adagio n’a-t-il pas été dit avec toute la largeur requise. Le presto final a été magnifiquement enlevé. Vif succès.

Le quatuor de Beethoven — Helden quartett — a été encore mieux interprété. Le plaintif andante con moto quasi allegretto a été rendu avec l’émotion voulue. La gigantesque fugue terminale, jouée avec une fougue endiablée a produit, malgré une sonorité insuffisamment généreuse, une impression colossale. Les quatre artistes bolonais ont été applaudis, rappelés et c’était justice.

On s’attendait généralement à rencontrer dans un quatuor italien une sonorité plus ample et plus moëlleuse. À de très rares moments une réelle sécheresse de jeu, notamment chez le premier violon, a causé quelque étonnement. N’est-il pas probable que ces quatre consciencieux artistes, dans leur désir d’acquérir la correction, la précision exigées par la musique classique, ont fait des efforts énergiques et persévérants pour se dépouiller des deux principaux défauts habituellement reprochés aux virtuoses de leur pays : le bel canto trop langoureux, d’une part, et une exubérance trop fantaisiste dans les traits vifs et rapides, d’autre part ? Ils ont un peu dépassé le but. Tels qu’ils sont, ils constituent une phalange artistique d’un grand mérite. Qu’ils compriment un peu moins l’essor de leur tempérament expansif et ardent, ils seront parfaits.

Nous rendrons compte dans notre prochain numéro de la première SÉANCE DE SONATES donnée hier soir par MM. RINUCCINI et GELOSO.

À TRAVERS LA PRESSE

La Première de « Tristan » à Rome

La presse italienne ne cesse, depuis quelque temps, d’exalter la première représentation à Rome, de Tristan et Isolde, qui aurait été un véritable triomphe musical. Un correspondant du Guide Musical relate quelques incidents de cette première, qui donnent une haute idée du goût italien :

« Le vieux Mancinelli avait, pour cette circonstance, secoué son orchestre, ordinairement si nonchalant, et il dirigea l’œuvre entière avec une ardeur toute juvénile ; toutefois, il ne put empêcher les violoncelles, pendant le discours du roi Marke, de transformer leur partie en une charmante cantilène italienne. Le jeune matelot, que l’on apercevait suspendu dans les cordages, entama sa chanson un quart de ton trop bas, et, pour bien montrer la délicatesse de son oreille musicale, descendit progressivement jusqu’à un bon demi-ton. Tristan eut, à plusieurs reprises, quelques velléité de suivre cet exemple, pendant que Brangœne et Isolde se contentaient d’ajouter à leur partie de ravissants trémolos, et que Kurwenal changeait la rudesse voulue de son air du premier acte en un legato tout à fait délicieux et joli.

« Mais ce qui compléta le caractère éminemment artistique de cet première sensationnelle et tant admirée au delà des Alpes, ce fut l’entrée des souverains dans la loge royale. Isolde venait de réclamer le philtre et Braugœne s’agitait autour d’elle quand, sur un signe de Mancinelli, elles s’avancèrent dans une attitude toute militaire vers la rampe, tandis que l’orchestre, debout, exécutait la Marcia reale aux applaudissements de toute la salle. Le public cria bis ! et l’orchestre allait la reprendre, quand d’énergiques silenzio ! le rappelèrent à sa partition… »

Ces anecdotes ne manquent pas de saveur, surtout si l’on se rappelle que Wagner voulait confier aux Italiens la création de Tristan !

Les Pelléastres

Dans un article publié récemment par le Journal, M. Jean Lorrain parle de ce qu’il appelle les Pelléastres, adorateurs des musiques exquises de Debussy et qui, par opposition aux simples wagnériens, lui semblent être généralement des snobs prétentieux et nigauds, alors que, parmi eux, se trouve assurément un grand nombre de vrais et sincères musiciens.

Voici un extrait de ce très intéressant article :

« Ce public légendaire des premières de Lugné-Poé, vous le retrouverez Salle Favart, fidèle à toutes les reprises de Pelléas et Mélisande. Fervents des nostalgiques mélodies dont Grieg a souligné le texte de Peer Gynt ; enthousiastes aussi des orchestrations savantes de Fervaal, ils ont tous adopté, d’un unanime accord, la musique de M. Claude