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1re Année
No23
Mercredi 23 Mars 1904

REVUE MUSICALE DE LYON

Paraissant le Mercredi de chaque Semaine, du 15 Octobre au 1er Mai

Léon VALLAS
Directeur-Rédacteur en Chef

Principaux Collaborateurs
L. AGUETTANT ; Fernand BALDENSPERGER ; Gabriel BERNARD ; M.-D. CALVOCORESSI ; M. DEGAUD ; FASOLT et FAFNER ; Henry FELLOT ; Daniel FLEURET ; Albert GALLAND ; Pierre HAOUR ; Vincent d’INDY ; JOWILL ; Paul LERICHE ; René LERICHE ; Edmond LOCARD ; Victor LORET ; A. MARIOTTE ; Edouard MILLIOZ ; J. SAUERWEIN ; Georges TRICOU ; Jean VALLAS ; Léon VALLAS ; G. M. WITKOWSKI

LIEDER FRANÇAIS

Je n’ai pas la prétention de raconter ici la glorieuse histoire du « Lied » français. Une telle étude — outre qu’elle risquerait fort d’être incomplète, malgré l’origine relativement récente d’un genre actuellement très cultivé dans notre pays — m’entraînerait à des considérations et dissertations, tant didactiques que musicales, dont je ne saurais assumer le fardeau. Je laisse donc à de plus autorisés la responsabilité d’une pareille tâche et me propose modestement, non de suivre pas à pas l’évolution scientifique et chronologique d’une forme musicale des plus intéressantes, mais d’en noter succinctement les caractères principaux et le développement naturel et spontané, voire la splendide floraison, chez quelques remarquables musiciens contemporains.

À vrai dire, d’ailleurs, une forme d’art ne présente guère ce que l’on est convenu d’appeler une histoire, dénomination qui ne satisfait qu’imparfaitement la précision de notre esprit. L’implantation, dans le génie d’une race, d’un nouveau genre — littéraire ou musical — ne peut se faire que par l’infiltration, lente et graduelle, d’une esthétique différente, dégagée de formules vieillies et débarrassée d’entraves démodées. Et ici la question se complique d’une ambiance spéciale, résultat de nombreux siècles d’antagonisme cérébral, entre l’expansion, bruyante et ensoleillée, des compositeurs italiens, et les « brumes » classiques des musiciens scandinaves. Il y a longtemps que l’on a fait remarquer quelle reconnaissance notre génie français, tout de clarté et de mesure, devait à sa situation privilégiée, également distante des nervosité méridionales et de la philosophie allemande.

Comment alors expliquer l’apparition en France, du « Lied » véritable, d’origine germanique ou norwégienne, fusion de la mélodie pure, du poème chanté et de la chanson populaire, issue du folklore national ? On peut, à mon sens, faire remonter l’origine de ce mouvement à l’évolution colossale, qui balaya, il y a quelque trente ans, les formes alors usitées, pour en agrandir le cadre, en rajeunir l’esprit, en vivifier l’essence d’un exclusivisme étroit et rigoriste.

Cette crise a embrassé les branches les plus diverses de la production musicale contemporaine. Toutefois, il semble que le genre dramatique ait devancé le progrès de la symphonie et de la musique de chambre, et que le théâtre ait tracé la voie