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gance et de situation. Applaudissements et remerciements à Otto Barbla l’excellent Kapellmeister, qui n’a pas hésité en face des terribles difficultés du Requiem qu’il a préparé, dirigé avec autant d’énergie que de souplesse. La voix de soprano de Mme Troyan-Blœsi est aussi claire qu’étendue, le grand orgue a été admirablement tenu par M. Montillet.

Genève est bien voisine de Lyon, pourtant quelle différence !

Jott.

Concert Orcel

(Saint-Étienne)

Dans une audition musicale qu’il donnait à Saint-Étienne, M. Léon Orcel s’affirma digne de son illustre maître, Raoul Pugno, par l’impeccable élégance d’un jeu toujours fin et précis, sans nulle sécheresse, mis au service du goût musical le plus sûr et d’une technique remarquable. La Suite Gothique de Boëllmann renferme des pages de noble envergure, tels le Choral du début ou le Menuet aux moyennageuses évocations, M. Orcel en sut rendre puissamment les rythmes majestueux et les lointaines sonorités, comme il sut traduire avec une rare suavité l’expressive Prière à Notre-Dame et les étincelantes séductions de la Toccata. Mais c’est particulièrement dans sa façon d’interpréter Schumann que M. Orcel nous a semblé un artiste vibrant et sincère.

M. Orcel était fort bien secondé, au second piano, par une charmante Lyonnaise de ses élèves, Mlle S…, qui fit applaudir un original tempérament de musicienne sensitive, au savant doigté, à la fine et expressive compréhension. J’adresserai à Mme F…, l’excellente cantatrice-amateur de notre ville, qui prêtait son concours à l’audition de M. Orcel, un seul reproche, celui de n’avoir point voulu céder au désir très légitime d’un public, charmé par son exquise diction, en interprétant le cycle complet du merveilleux Amour de Poète dont Mme F…, ne chanta malheureusement que des extraits dans l’excellente traduction de Victor Debay. Mme F… manie avec un art consommé une voix ravissante, homogène et d’une délicieuse pureté.

Dans la Sonate en fa majeur, de Hændel, M. Ricou a fait apprécier un jeu ferme et sûr, une sonorité puissante, sans recherche. Il a donné, avec M. Orcel, une remarquable exécution de la Sonate en sol mineur, de Grieg.

Le public stéphanois s’est montré souple et enthousiaste, interrompant et rappelant les artistes par de chaleureuses ovations, inconnues des mélomanes lyonnais ? Il est de si bon ton de paraître s’ennuyer et souvent de le faire !

H. F.

À TRAVERS LA PRESSE

Schumann

À l’occasion de l’exécution au Concert Lamoureux du Paradis et la Péri, M. Gaston Carraud, l’éminent critique musical de la Liberté, écrit :

« Schumann, qui n’avait encore écrit que des lieder et de la musique de piano, produisit, en 1841, ses premières œuvres de longue haleine ; symphonie, quatuor et quintette, enfin le Paradis et la Péri. Il n’avait guère plus de trente ans, et ses idées brillaient d’une fraîcheur ravissante. Mais ses conceptions étaient un peu jeunes aussi ; et ses architectures, qui n’étayait point la toute-puissance du rythme, avouaient trop souvent une excessive débilité. Je crois qu’il serait difficile de trouver un ouvrage plus dénué de puissance, d’accent, de couleur et de caractère que le Paradis et la Péri. Assurément, le début de la première partie contient des pages charmantes, et la seconde — exquise presque tout entière — touche en plus d’un endroit à la beauté véritable. Mais la beauté de Schumann est d’une sorte qui ne se révèle bien que dans la douce tiédeur des intimités. Il semble presque que l’interprète soit déjà de trop pour produire les élans de cette âme concentrée ; il semble qu’un seul auditeur suffise à offenser la pudeur de ce cœur entr’ouvert. Il faut écouter directement en tête à tête, ses discrètes confidences. L’ostentation publique en fait évanouir et le charme et l’émotion même, la plus profonde cependant et la plus tendre que la musique ait jamais exprimée peut-être.

Les parties supérieures du Paradis et la Péri sont de simples lieder, dont il n’est pas sûr que l’effet ne serait pas bien plus grand au piano, dans un salon. Les parties plus développées sont d’une faiblesse, d’un vide, d’un ennui incomparables. On connaît d’ailleurs la particularité des thèmes de