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revue musicale de lyon

des, œuvre d’un très jeune homme plein de bonnes intentions et qui dénote peu d’originalité et une étude bien superficielle de la composition.

L’interprétation de ces différentes œuvres fut généralement correcte mais nous aurions préféré qu’elle eût été donnée par de véritables quartettiste et non par des musiciens, habiles il est vrai (trois professionnels et un amateur), mais réunis fortuitement et pour une seule audition.

J. C.

Les représentations de La Passion organisées dans la paroisse de Notre-Dame des Anges et dont nous avons rendu compte, ont obtenu un très grand succès. Il en sera donné une supplémentaire dimanche prochain, 27, à 2 h. 1/2 du soir.

HORS LYON

Le « Requiem » de Brahms

à genève
Victoria Hall, le 12 mars

Cruellement endolori par la mort de sa mère qu’il adorait (1868), Brahms dédia à sa mémoire ce souvenir grandiose et attendri : fidèlement respectueux des principes rigides de la zélée luthérienne qu’il pleurait, il ne voulut que des paroles bibliques pour son Requiem, sauvegardant pourtant les douces pensées consolantes du Requiem catholique, la résignation, la consolation et l’espérance, victorieuse du néant. Dans les sept parties de son Requiem, le maître de Hambourg a laissé la prédominance au chœur avec de brefs soli de baryton et de soprano, le tout accompagné par l’orchestre complet et le grand orgue. Brahms dans son œuvre s’est toujours montré rebelle à la théorie du leit motiv ; ici cependant l’introduction instrumentale de 14 mesures reparaîtra à la fin de la septième partie dans une suite d’harmonies très curieuses, transformant ainsi l’idée première de tristesse angoissante en sérénité bienfaisante, rappelant sans doute au fils désolé la paix si douce, si réconfortante du foyer maternel éteint ! Seuls, les altos, les violoncelles, les basses jouent cette brève introduction, profondément triste, tandis que le chœur lentement dit les premières paroles du Sermon sur la montagne. Une funèbre marche d’une inexorable fatalité précède le choral à l’unisson. « Toute chair est comme l’herbe » atténué dans sa rigueur de presque malédiction par un doux motif en si bémol majeur auréolant les paroles d’Isaïe : « Les rachetés de l’Éternel iront vers Sion ».

Le lamento s’accentue, la voix du baryton s’exalte dans l’inquiétude ; le découragement, le désespoir vont apparaître. « Oui, l’homme se promène comme une ombre. » Le chœur alors dans une merveilleuse fugue répond : « Bien douces sont tes demeures, ô Dieu d’Israël » ; la consolation s’affirme, proclamée par les richesses harmoniques les plus variées, le contrepoint le plus admirable. Seule, la voix de soprano chante : « Vous qu’afflige la douleur, je reviendrai vers vous » le motif musical délicieux attire la réponse du chœur : « Comme un homme que sa mère console, ainsi je vous consolerai » la phrase mélodique est alors d’une exquise bonté, d’une tonalité vraiment bienfaisante. Mais avec le soliste lançant son beau défi à la mort : « Sépulcre où est ta victoire ? » le chœur proclame la victoire éternelle dans une nouvelle fugue d’une écriture merveilleuse, d’une inspiration polyphonique resplendissante. Avec les paroles dernières nous revenons à la sérénité première, c’est la paix triomphante, glorifiée, aimée par Brahms, disciple ému, fidèle du vieux Kantor de Leipzig, Lumen in cœlo ! Nos âmes latines, d’abord un peu effrayées par l’austérité voulue, continue, tendue de cette cantate grandiose, furent vite dominées, captivées par cette sincérité absolue, cette technique magistrale, ces splendeurs harmonieuses si hautes, si pures, si vraies, que nous les fils un peu impulsifs des mères du Midi nous sentions nos cœurs proches de la douleur plus contenue, de l’amour très tendre aussi des rudes enfants du Nord, de Brahms le grand Hambourgeois qui dans son Lied du Destin est allé si loin dans le sombre Inconnu !

Nos applaudissements enthousiastes aux chanteurs genevois du Chant Sacré, tous amateurs, tous réunis dans une fidélité admirable aux répétitions fréquentes et très longues, dans une touchante fraternité artistique, ne repoussant personne par snobisme, pose ridicule ou prétention, acceptant tous les efforts, le bon vouloir, sans nulle et sotte préoccupation de rang, de fortune, d’élé-