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exaspérantes et crapuleuses fantaisies des fééries jouées au Châtelet ou à la Porte-Saint-Martin d’antan.

Les Arts de la Vie.

Der Kobold, de Siegfried Wagner

Le 11 avril a été donné au théâtre municipal de Cologne, la première représentation du Kobold, de M. Siegfried Wagner. M. Maurice Kufferath, ancien rédacteur en chef du Guide musical et directeur actuel du théâtre de la Monnaie, porte sur cette œuvre nouvelle l’appréciation suivante :

« … Il y a du talent dans tout cela, et même de la personnalité, tant au point de vue scénique que musical. Mais ce talent a besoin de mûrir encore et de se concentrer. Les idées mélodiques sont heureuses ; il y a notamment deux gentilles romances — oui, des romances — au premier et au second acte ; une bonne marche des invités qui semble une parodie sérieuse de l’entrée des invités à la Wartburg de Tannhœuser, un bon trio de buveurs au troisième acte, qui débute d’ailleurs par un prélude symphonique de jolie sonorité et bien développé.

En général l’instrumentation n’est pas maladroite et sonne bien. L’ensemble est d’une honnête moyenne ; il ne commande ni l’enthousiasme exubérant des fidèles sujets de la petite cour de Bayreuth, ni l’indifférence méprisante de la critique hostile.

« Le malheur est que cela soit signé du nom de Wagner. Le public, fatalement, s’attend à quelque chose de supérieur. Songez donc, de la musique du fils d’un tel père ! On lui offre beaucoup moins que cela. C’est la destinée tragique du jeune compositeur Siegfried Wagner, d’avoir à compter avec ces espérances illusoires et n’y pouvoir donner satisfaction. Avec de la persévérance, il pourrait arriver à nous donner un pendant à Mignon. Dans son Kobold, il nous offre déjà un Lothario qui, sous le nom d’Ekhart, ne laisse rien à envier à son prototype ambrosien. Et sa petite héroïne Verana, a les vertus touchantes, la douce sentimentalité de l’héroïne de l’opéra-comique. Il ne faut désespérer de rien, Ambroise Thomas réhabilité par l’héritier de Bayreuth, spectacle peu banal. »


Le prochain numéro de la REVUE MUSICALE DE LYON paraîtra seulement le Mercredi 4 Mai.

Nouvelles Diverses

On prépare actuellement la publication de cent cinquante lettres adressées par Richard Wagner à Mme Mathilde Wesendonck et d’un certain nombre de feuillets d’un journal quotidien de la même époque. Tout serait encore, inédit. La correspondance renferme des renseignements artistiques sur Tristan et Isolde, sur les Maîtres chanteurs, sur les représentations de Tannhæuser à Paris et sur Parsifal ; quant à son attrait particulier au point de vue de la psychologie passionnelle chez Wagner, il ne peut manquer d’être très grand si l’on se souvient que pendant de longues années aucun cœur ne fut plus rapproché de celui du maître que le cœur de Mathilde Wesendonck. Elle était née le 23 décembre 1828, à Elberfeld, avait épousé M. Otto Wesendonck, représentant d’une maison industrielle de New-York, et habitait Zurich avec son mari. Wagner la connut dès 1852. Il s’établit, en 1857, dans une petite maison voisine de la sienne et qu’il appelait l’Asile. Il y resta jusqu’en août 1858. Mais après son départ, il conserva des relations fréquentes avec Mme Wesendonck et lui écrivait sur un ton affectueux. « Écoute-moi comme Brunehilde écoutait Wotan », lui mandait-il un jour. Au mois de juillet 1865, il réclamait à M. Otto Wesendonck la partition autographe de l’Or du Rhin donnée précédemment et dont il désirait reprendre possession pour en faire présent au roi de Bavière. « Votre femme conserve pour toujours ce qui est bien plus précieux que cette partition », disait-il, faisant allusion à toute une série d’esquisses musicales pour Tristan ou pour ses autres ouvrages. « Si j’ai composé Tristan, écrivait-il à Mathilde, je vous le dois de toute mon âme et pour toute l’éternité. » Les esquisses comprennent deux Études pour Tristan, dont les paroles sont de Mathilde : Trume et Tribhæaus. La première est bien connue sous le titre Rêves et a été chantée souvent par Mlle Janssen dans les concerts lyonnais. Trois autres fragments de ces mêmes esquisses sont notés sur des poésies de Mathilde. Wagner envoyait à la jeune