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cert du 18 avril ce remarquable artiste, professeur de piano au Conservatoire de Bruxelles et l’un des virtuoses les plus justement réputés de notre temps. Il est rare, en effet, de rencontrer style plus pur, phrasé plus expressif, diction plus élégante, unis à une technique aussi sûre et à un dédain aussi complet des effets vulgaires et des succès faciles. Toutes ces qualités, M. Arthur de Greef les a fait apprécier — sans exagération, ni cabotinage — dans sa consciencieuse exécution du beau Concerto en sol mineur de Saint-Saëns, une œuvre qui demeure, en dépit des farouches contempteurs d’une forme musicale discutable, l’une des plus péremptoires de l’auteur de Samson (oh ! la noble architecture du premier mouvement et le clair atticisme du scherzo, si élégant et combien spirituel !). J’ajouterai — et le progrès et l’exemple sont dignes d’être notés — que M. de Greef joue le Chopin sans avoir recours à ces ridicules pavoisons et ces rythmes épileptiques, par quoi tant de pianistes nous rendent presque haïssable le plus sensitif des musiciens.

M. Hollmann possède une puissance incomparable : son coup d’archet est ferme, l’attaque précise, parfois même un peu dure, la sonorité ample et homogène. Ce noble artiste — qui a merveilleusement interprété avec M. de Greef, la copieuse Sonate de Grieg, pour piano et violoncelle — me pardonnera-t-il un léger reproche ? L’Aria de Bach, qu’il a exécuté en bis, supporte mal, à mon sens, certains effets un peu… pommadés, certaines oppositions de nuances trop recherchées, qui nuisent un tantinet à l’impression générale, laquelle, chez le vieux Cantor, doit toujours demeurer sévère et ample, favorable à la ligne plutôt qu’au détail.

Comment varier les épithètes laudatives, pour dire que Mlle Janssen, toujours prête à confondre la cause de l’art avec celle de la charité et du dévouement, chanta exquisement d’adorables Lieder de Grieg (M. Mariotte au piano) et, parfaitement adjuvée par la Symphonie lyonnaise, le Roi des Aulnes de Schubert (instrumentation colorée de Berlioz) et la délicieuse étude pour Tristan, intitulée les Rêves ? Je vous répéterai simplement, ce que vous n’ignorez pas, que Mlle Louise Janssen est l’artiste la plus complète que l’on puisse souhaiter et que ses interprétations — dirais-je ses création ? — sont des merveilles de poésie, de grâce et d’originalité.

Après avoir constaté — non sans le plus grand plaisir — que les amateurs de la Symphonie Lyonnaise nous donnèrent une exécution chaleureuse, souple et précise de la charmante Suite en ré majeur de Saint-Saëns et des ouvertures d’Iphigénie en Aulide et du Roi d’Ys je me vois dans l’heureuse nécessité de reconnaître que le concert du 18 avril fut l’un des plus intéressants de la saison et qu’il convient d’en remercier vivement l’Union des Femmes de France dont les membres dévouées savent si parfaitement unir, dans une même pensée, l’amour du bien et l’exquis sentiment du beau.

Henry Fellot.

Concert des Artistes Musiciens

L’an dernier l’Association des Artistes musiciens de notre ville avait déjà organisé à son bénéfice un grand concert qui, en dépit du concours du violoniste Ysaye, n’avait pas obtenu de succès. C’est que cette audition avait été mal organisée, préparée hâtivement et dirigée en partie par un chef d’orchestre, M. Rey, dont tout le monde connaissait l’insuffisance. Cette année, par contre, le concert des Artistes musiciens a été un très grand et très légitime succès au double point de vue artistique et financier.

Le nombreux public en effet, qui avait envahi, le 25 avril, le Grand-Théâtre, n’a pas été déçu et s’est montré très satisfait. Le programme comportait, trois premières auditions d’orchestre : les Préludes de l’Ouragan d’Alfred Bruneau, l’Apprenti Sorcier, de Paul Dukas et le prélude de Vers le rêve, d’Ernest Garnier ; deux virtuoses de premier ordre, le pianiste Pugno et le violoniste Thibaud ; enfin deux artistes lyonnais très appréciés : Mlle Janssen et le baryton Gaston Beyle, prêtaient leur concours à cette soirée ; et le concert très copieux, commencé à 8 heures s’est terminé vers la mi-nuit.

J’avoue avoir peu goûté les préludes de l’Ouragan. Et-ce antipathie naturelle pour cette musique très travaillée mais peu « musicale » où l’effort se révèle à chaque ligne,