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chambre, ce fut une véritable révélation d’entendre chanter par les deux grands artistes le merveilleux dialogue tout débordant de mélodie du chef-d’œuvre de Franck. C’est vraiment une excellente idée qu’ont eue les organisateurs de ce concert de faire entendre au cours de cette belle soirée une des plus nobles œuvres du répertoire de cette musique de chambre que tant de fervents amateurs négligent trop pour le théâtre et les soirées d’orchestre.

… J’allais oublier de citer Mlle Janssen toujours exquise dans Rêves de Wagner et M. Gaston Beyle très fêté dans une assez longue machine de M. Reyer où l’on peut remarquer quelques tierces, quelques banalités et une intéressante maladresse d’écriture.

Léon Vallas.

Concert Kubelik

Annoncé, comme une vedette de cirque ou de café-concert, par d’immenses affiches-portraits multicolores, M. Jan Kubelik, le célèbre virtuose, est venu conquérir Lyon comme il a conquis déjà presque toutes les grandes villes d’Europe et d’Amérique.

Son succès, au premier concert donné le 30 avril, au Grand-Théâtre, a été immense : M. Kubelik possède en effet tout ce qu’il faut pour enthousiasmer les foules : un son énorme, une technique admirable et une virtuosité invraisemblable, supérieure, dit-on, à celle de Paganini.

Pourtant, malgré ces qualités excessives et certainement uniques au monde, M. Kubelik ne nous a pas vraiment emballé. Son interprétation du long et peu amusant concerto de Beethoven fut évidemment parfaite au point de vue technique, d’un bon style, mais sans grande personnalité et, dans l’ensemble, bien inférieure à celle qu’en avait donnée l’an dernier M. Ysaye, au concert des Artistes musiciens.

Dans le concerto de Paganini[1] et dans diverses autres pièces de pure virtuosité, M. Kubelik déchaîna une tempête d’applaudissements : la masse du public était électrisée par le brio étonnant du virtuose ; les spécialistes du violon véritablement affolés par la facilité avec laquelle l’artiste se joue des plus étourdissantes difficultés : notes harmoniques, gammes vertigineuses en dixièmes, chants en duo sur les deux dernières cordées accompagnées de trilles en pizzicati sur le sol et le , etc.

M. Kubelik est certainement le plus fort violoniste du monde, mais nous pensons que l’art n’a pas beaucoup à gagner à ces stupéfiantes acrobaties et nous préférons certes de beaucoup au Paganini moderne le vrai et grand artiste qu’est Jacques Thibaud.

L’orchestre en dehors d’un excellent accompagnement des concertos de Beethoven et de Paganini a, sous la direction de M. Flon, donné une très bonne interprétation du clair et classique Phaéton de Saint-Saëns, déjà entendu le 4 décembre 1898, au premier concert symphonique de MM. Jemain et Mirande, et de l’ouverture longuette du Songe d’une Nuit d’Été. Dans l’œuvre de Mendelssohn, nous avons été surpris d’entendre un tuba exécuter très en dehors des soli que n’avait pas prévus le compositeur. Il est très bien de remplacer par cet instrument moderne l’ophicléide désuet lorsqu’il doit simplement doubler les trombones, mais il est bien ridicule de transformer une partie obscure d’accompagnement en une trop prépondérante par un changement d’instrument mal justifié.

Les sons pleins et bruyants du saxhorn basse diffèrent en effet beaucoup de ceux flasques de l’ophicléide qu’il eût été sage, en cette occasion, de remplacer par le sarrusophone en ut dont la sonorité est moins puissante que celle du tuba, le timbre plus voisin de celui de l’ophicléide et l’étendue, à une tierce près, la même.

Un deuxième concert a été donné lundi soir par M. Jean Kubelik. Au programme : concerto de Mendelssohn, variations sur Faust de Wienawski et diverses autres pièces pour violons avec accompagnement de piano.

Léon Vallas.

Concert de l’Union Chorale

Cette excellente société chorale d’hommes, dirigée par M. Dauphin, professeur du Conservatoire et composée en grande partie de

  1. On sait que Paganini a composé deux concertos pour violon, dont l’un, — détail curieux — écrit en mi bémol, est joué par le soliste en ré majeur (l’instrument étant accordé un demi-ton trop haut).