Page:Revue Musicale de Lyon 1904-05-04.pdf/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
334
revue musicale de lyon

ses élèves, donnait le 29 avril son concert annuel. Cette soirée a obtenu un grand succès.

Au programme trois Chansons tziganes de Brahms, le madrigal de Proserpine de Saint-Saëns, l’admirable Chant élégiaque de Beethoven et un délicieux chœur de Rameau, Hymne à la nuit. L’interprétation de ces différentes pièces fut excellente. Parmi les solistes citons Mlle Dauphin à la belle voix de contralto, Mlle Kahn et M. Castel, un jeune ténor, élève du Conservatoire, qui sera certainement parmi les triomphateurs des prochains concours.

J. C.

À TRAVERS LA PRESSE

Pie x et la Musique d’Église

M. Charles Bordes, qui est allé à Rome pour assister aux grandes fêtes célébrées à l’occasion du centenaire de Saint-Grégoire-le-Grand, a été reçu en audience privée par le Pape et a rapporté dans le Figaro son entretien avec Pie x dont le seul sujet a été la musique religieuse.

Voici un extrait de l’article de M. Bordes :

— Je connais, dit Sa Sainteté, les difficultés que doit rencontrer cette réforme, je sais les résistances auxquelles elle doit se heurter ; ce n’est point l’œuvre d’un jour que de chasser de l’église les musique de danse et d’opéra, de ramener les musiciens chrétiens à l’étude de l’art grégorien et de l’art poluphonique du seizième siècle, de restituer au chant liturgique sa pureté primitive. Il faut combattre de mauvaises traditions qui sont invétérées, lutter contre la routine du goût public. Vous êtes jeunes et ardents et souhaiteriez voir dès demain cette grande entreprise réalisée. Travaillez, mais sans hâte, et sans colère contre les hommes ; mais surtout fiez-vous à la sagesse et à la vigilance du Saint-Siège. J’ai dit et publié ma pensée : soyez assurés que pour qu’on obéisse à mes paroles je saurai prendre toutes les mesures générales ou même particulières qui seront nécessaires. J’agirai suaviter

Puis le Saint-Père reprit en souriant :

— … mais aussi fortifier,

Le Pape me demanda ensuite si j’avais assisté à la messe de Saint-Pierre et quelle impression j’avais ressentie des chants grégoriens. Je lui dis respectueusement l’admiration que m’avait causée ce chœur grandiose entonnant la vieille cantilène romaine sous les voûtes de Saint-Pierre.

— J’ai ouï dire, reprit le Pape, que tout le monde n’avait pas été de votre avis.

Encouragé, je ne pus me tenir de raconter qu’une dame de la société romaine devant qui j’exprimais mon enthousiasme m’avait à ce propos traité de luthérien. Pie x sourit et voulut encore savoir mon avis sur l’ensemble de la cérémonie. Me rappelant des déplorables mélodies que les trompettes d’argent avaient exécutées à l’entrée du Pape et à l’élévation de la messe, j’osai :

— Il m’a semblé, Saint Père, qu’il y avait une seule tache…

Avant que j’eusse achevé, le Pape s’écria :

Le trombe ! ah ! oui, le trombe ! Le soir même j’ai avisé : elles joueront désormais d’autres motifs.

Le Pape revint encore sur les coutumes détestables qui règnent dans les maîtrises d’Italie et d’ailleurs,

— J’aime toutes les musiques, continua Sa Sainteté ; j’aime Bach, les grandes symphonistes, et même les chefs-d’œuvre de l’opéra, mais je veux que l’opéra reste au théâtre : ces musiques-là sont admirables, mais ce n’est point leur place à l’église ; elles l’ont envahie peu à peu, — nous saurons les en exiler… Je me souviens qu’un jour, disant ma messe, au moment de la consécration j’entendis une voix qui chantait : Mira, o Norma !…

À ce moment le Saint-Père se leva, et fouillant dans des papiers entassés sur son bureau il en tira une coupure de journal ; il me la montra, faisant remarquer que ce journal venait du Canada. C’était une liste des œuvres musicales exécutées dans les diverses églises de Montréal le jour de Pâques. On y voyait des pièces pour orchestre, des messes en tous les tons, avec soli de ténor.

Soulignant du doigt chacun de ces programmes, Pie x eut un sourire ironique et ajouta :