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revue musicale de lyon

Chausson à d’Indy. La musique française lui doit d’être actuellement la première du monde, quoi qu’en ergotent les solennelles perruques d’Outre-Rhin. Il fut, sans le vouloir, sans doute, celui qui réagit le plus fortement contre ce qu’il y a de trop exclusivement scénique dans l’art wagnérien, dans ce qu’on nommera plus tard, peut-être, le poncif tétralogique. Wagner, égoïste de génie, rêva d’absorber toute la musique et crut condamner les compositeurs à un éternel pastiche. Après lui, Debussy, comme Verlaine après Hugo, étonna et ravit ceux qui croyaient l’art immobile, figé, la mélodie et le rythme condamnés aux réminiscences, l’inspiration harmonique et verbale tarie. Ce recommencement immédiat, cette prodigieuse fécondité musicale des contemporains, c’est à Franck, gardien des traditions pures encore plus que novateur, que nous en sommes redevables.

Telle est la pensée de M. Mauclair, exagérée, peut-être, mais en somme vraie, et traduite dans une langue d’une fermeté si émue, d’une limpidité si chatoyante que nous ne saurions y contredire.

revue des deux-mondes

No du 1er Novembre

Continuant sa biographie de Mozart, M. de Wizewa, nous montre le petit Woferl, tour à tour phénomène de virtuosité, enfant sorcier, prodige exhibé dans toutes les cours d’Europe, et chétif bambin qui n’interrompait ses études que pour nourrir de sa main les oiseaux de sa mère et se rouler sur le plancher avec son gros chien. Ce fut une destinée souriante, cajolée et tragique que celle de ce gamin de génie que les reines embrassaient parfois et traitaient souvent en domestique, qui apprenait l’orgue dans une église de village, pendant qu’on réparait une roue de son carrosse et qu’on payait d’un ducat ou d’ « un habit du drap le plus fin, couleur lilas, et d’une veste de moire ornée d’une double rangée de gros boutons d’or. »

Tout cela est excellemment conté, depuis les enfantillages et la déception du voyage à Vienne, jusqu’à la formation du jeune Mozart sous l’influence de Jomelli et de Paganelli, son initiation à la large et harmonieuse beauté italienne et son évasion à Bruxelles, dès la première sonate, de la scolastique allemande et de la férule paternelle.

revue de paris

No de Novembre 1904

La Revue de Paris publie les lettres de R. Wagner à Mathilde Wesendonck (1858-59), traduites d’un livre allemand récent dont les Münchener Neueste Nachrichten avaient, l’été dernier, imprimé de nombreux extraits. Le Petit Temps en avait offert quelques fragments, au public français : nous attendions la série complète.

Cette correspondance, amoureuse, philosophique et musicale, violemment pessimiste, passionnée, romantique, mais sincère — autant que peuvent l’être des confessions d’artiste — analyse, jour par jour, la cris de souffrance et de désir, d’où naquit Tristan et Isolde, adaptation légendaire d’un roman très simple et un peu bourgeois qui pourrait s’intituler Richard et Mathilde.

Entre temps, Wagner écoute les stances populaires vénitiennes que chantent les bateliers, installe un piano, verse des larmes sur la mort d’un poulet, conçoit le projet d’un drame bouddhique, les Vainqueurs qui ne fut jamais composé, et où se seraient puissamment affirmés le symptômes de ce que Nietzsche appelait sa « manie rédemptrice. »

Du reste l’amour du Maître n’eut pas de conséquences tragiques. Il se produisit, sans doute, un phénomène assez fréquent de transposition et de dédoublement de personnalité. Quand le musicien-poète eut exprimé l’angoisse du désir, le tourment de la volupté, la beauté de la mort, l’homme jugea bon de ne pas aller au delà de la première étape ; et c’est ainsi qu’une fantaisie extra-conjugale nous a valu un chef-d’œuvre. Allah est grand !

A. Arnoux.

Correspondance de Paris

La Messe de Franck et le « Motu proprio ». — Les Chanteurs de Saint-Gervais. — Concerts Colonne et Lamoureux.

Le 23 octobre avait lieu dans la grave église de La Sorbonne l’exécution de la Messe solennelle de César Franck ; en écoutant cette importante et souvent admirable composition, nous nous demandions si elle remplissait bien les conditions exigées récemment par le pape de tout ouvrage religieux, et il nous fallait avouer, en toute sincérité, que