Page:Revue Musicale de Lyon 1904-11-13.pdf/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
revue musicale de lyon

plus grand honneur à son auteur et mérite de rester au répertoire.

L’Apprenti Sorcier y est déjà, et le curieux scherzo de Paul Dukas retrouve auprès du public le succès qui a salué son apparition. Construit sur un thème plutôt rythmique que mélodique avec une grande adresse et l’instrumentation la plus colorée et la plus variée qu’on puisse imaginer, il est certainement pittoresque et très drôle ; mais l’extrême virtuosité orchestrale du compositeur ne le pousse-t-elle pas à la recherche d’effets extraordinaires ? En entendant certains bruits bizarres, on se demande si c’est de la musique ou des clowneries musicales que l’on écoute ; enfin, c’est très amusant, mais quelle jouissance de s’absorber ensuite dans les harmonies denses, lourdes de pensée et de sentiment, du prélude de Tristan et Yseult !

Paul Forest.

Nouvelles Diverses

Une compagnie américaine de phonographes vient de traiter avec la célèbre cantatrice Mme Lilian Nordica, engagée au Métropolitan Opera-House pour la saison courante. Mme Nordica devra chanter dans les appareils de la Compagnie quatre airs pour lesquels elle touchera 14.000 dollars — 70.000 francs — payables 30.000 francs comptant, et 10.000 francs par an, de 1905 à 1908, à condition pour Mme Nordica de ne pas traiter avant 1908 avec une autre compagnie de phonographes. Voilà une nouvelle source de profits pour nos chanteurs qui n’étaient déjà pas trop à plaindre.

Ajoutons que les compositeurs ne touchent rien sur leurs airs ainsi enregistrés.

On croyait jusqu’à présent que Mozart s’était servi, pour ses compositions, d’une épinette ou d’un clavecin, et quelques portraits et gravures qui représentent le grand artiste et sa sœur Annette jouant du clavecin ont pour beaucoup contribué à répandre cette opinion. Mais déjà Rubinstein a déclaré que l’orchestration des concertos que Mozart a écrit pour le piano et ses compositions pour cet instrument seul prouvent qu’il a dû connaître le piano pourvu du mécanisme de nos instruments modernes. C’est en effet en 1726 que le célèbre facteur Silbermann commença la fabrication des pianos à marteaux que Schroeter avait inventés, et du temps de Mozart les pianos de Silbermann étaient déjà assez répandus, surtout dans les cours où l’enfant prodige se fit entendre. Nous savons d’ailleurs que Frédéric ii de Prusse posséda un superbe piano de Silbermann, devant lequel il fit asseoir J.-S. Bach lors de la fameuse visite du cantor à Berlin. Les doutes à ce sujet sont dissipés par un document qui est parvenu à notre connaissance et qui contient l’inventaire de la pauvre succession de Mozart. Dans cet inventaire sont mentionnés un « forte piano avec pédale », estimé 80 florins, et « un billard couvert de drap vers », estimé 60 florins. Or, le mot forte piano désignait d’abord en Allemagne les pianos de Silbermann ; ce n’est qu’au xixe siècle que les Allemands ont commencé à se servir du mot piano forte, qui est actuellement hors d’usage et remplacé par le mot clavier quand il s’agit du piano moderne.

NÉCROLOGIE

Thérèse Milanollo

Mme la générale Parmentier, née Thérèse Milanollo, vient de mourir à Paris, à l’âge de 77 ans.

Quelques Lyonnais, dit le Salut Public, se souviennent encore de Thérèse Milanollo comme d’une des violonistes les plus prodigieuses qu’ils aient entendues.

Dès leur première apparition à Lyon, le 13 octobre 1846, les deux sœurs Milanollo, Thérèse et Marie, l’une âgée de 19 ans, l’autre de cinq ans plus jeune, ce ne fut pas seulement de l’admiration, ce fut un véritable délire d’enthousiasme qu’elles soulevèrent parmi leurs auditeurs. Nées à Savigliano, en Piémont, elles avaient eu, à peine sorties du berceau, le sentiment irrésistible de leur vocation artistique. Pour Thérèse, ce fut l’audition d’une messe où, à 4 ans, elle avait assisté à un concerto de violon, qui en décida ; quelques mois plus tard, à 5 ans, elle était déjà capable d’exécuter les concertos de Rodde, Mayseder, Kreutzer, et à 7 ans, elle se faisait entendre à Marseille, où elle remportait ses premiers lauriers.

Très bien accueillie à Paris, où elle devint l’élève de Lafont, où Cherubini et Auber lui