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différentes et opposées on entre elles, le mouvement sentimental au lieu de rester sur lui-même, devient divers et prend des directions multiples : la musique y devient dynamique.

Cependant dans la forme-suite se manifeste un changement d’état. Toute notre musique moderne n’est qu’une manifestation des divers moyens d’osciller entre la tonique et la dominante, la tonique étant l’équilibre, la dominante le mouvement. Ce changement d’état tonal se complique d’autres changements d’état tonal se complique d’autres changements d’état (changement des formes rythmiques, des formes mélodiques, des mouvements, modulation), mais dans la forme-suite il n’est jamais que tonal : il consiste uniquement dans l’oscillation de la tonalité principale entre la tonique et la dominante pour retomber à la tonique. Chaque pièce en forme-suite se divise en deux fragments qui à l’exécution se répètent et qui sont marqués, graphiquement, par les barres de reprises, musicalement par un repos accusé, le seul de la pièce tout entière. Ce repos est au ton de la dominante du ton primitif.

La conduite tonale est donc tonique ➳ dominante <— tonique.

En résumé, la forme-suite est caractérisée par :

a) Une seule idée rythmique.

b) Une seule solution de continuité (repos à la dominante).

c) Deux reprises dont la séparation est la clef de voûte de la pièce (repos à la dominante).

d) Direction tonale : tonique ➳ dominante <— tonique

(À suivre)

Gabriel Condamin.

César Franck et ses Élèves

Nous recevons de notre éminent collaborateur G.-M. Witkowski, la lettre suivante :

Mon cher Directeur,

L’opinion que j’ai émise sur le développement du génie de César Franck dans une lettre au Courrier Musical, et dont vous avez reproduit les termes dans votre dernier numéro, n’est point aussi paradoxale que vous pouvez le croire.

Cette particularité du musicien s’élevant aux plus hautes cimes de l’Art et exaltant sa personnalité d’une manière si définitive grâce au contact de ses élèves, m’avait été signalée par Charles Bordes. Elle m’a été confirmée depuis par d’autres.

Est-ce à dire que ce sont ses élèves qui lui ont appris la musique ? Non pas, bien au contraire.

Mais ce sont eux, Alexis de Castillon tout le premier, qui ont mis leur effort incessant à donner au Maître cette confiance en soi-même sans laquelle nul artiste ne saurait créer.

Si vous voulez maintenant des coïncidences, des vérifications… plutôt que des preuves, consultez les dates.

Alexis de Castillon devient l’élève de Franck vers 1868 ; d’Indy travaille avec lui à partir de 1871 ; Duparc de 1872 à 1875. Franck avait alors dépassé la cinquantaine.

Lisez une œuvre de cette période, Rédeption, par exemple, et comparez-la au point de vue du style, aux précédentes, puis aux suivantes.

Vous verrez clairement la transition.

L’auteur y prépare, à coup sûr, sa dernière manière incomparablement géniale, belle et forte. Si belle, si forte que Hugo Riemann a pu dire (Et Dieu sait si les Allemands sont tendres pour la musique française…) que dans les œuvres de César Franck « la profondeur du sentiment s’unissait à la perfection absolue de la technique » ajoutant d’ailleurs que le Maître était un des compositeurs les plus remarquables de notre siècle.

C’est à la dernière manière que nous devons — permettre moi cette énumération :

Musique symphonique : Les Éolides (1876). — Le Chasseur maudit (1883). — Les Djinns