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2e Année No5
Dimanche 20 Novembre 1904

REVUE MUSICALE DE LYON

Paraissant le Dimanche du 20 Octobre au 1er Mai

Léon VALLAS
Directeur — Rédacteur en Chef

Principaux Collaborateurs
Louis AGUETTANT ; Fernand BALDENSPERGER ; Gabriel BERNARD ; M.-D. CALVOCORESSI ; M. DEGAUD ; Henry FELLOT ; Daniel FLEURET ; Paul FRANCHET ; Vincent d’INDY ; André LAMBINET ; Paul LERICHE ; Edmond LOCARD ; A. MARIOTTE ; Marc MATHIEU ; Edouard MILLIOZ ; Antoine SALLÈS ; Jules SAUERWEIN ; Joseph TARDY ; Georges TRICOU ; Jean Vallas ; Léon VALLAS ; G. M. WITKOWSKI.

De Bach à Beethoven

(suite)

Charles-Philippe-Emmanuel Bach, second fils du grand Sébastien, naquit à Weimar le 8 mars 1714. Destiné par son père, qui plaçait en son aîné Friedmann toutes ses espérances, à être, non point musicien, mais jurisconsulte, Emmanuel entreprit à Francfort ses études de droit ; bientôt, entraîné par l’atavisme, il fondait dans cette ville une école de musique assez florissante pour que Frédéric ii songeât, en 1738, à l’appeler auprès de lui en qualité de musicien de sa chambre et d’accompagnateur ordinaire des concerts royaux.

C’est pendant le séjour d’Emmanuel auprès du roi de Prusse que se place un épisode de la vie du grand Bach, qui se rattache à l’une des œuvres les plus curieuses de ce maître.

Malgré les invitations réitérées du roi, qui, comme on le sait, se piquait de musique, le vieux Sébastien ne pouvait se résoudre à quitter sa calme retraite de Leipzig pour aller se montrer à la cour. Cependant, sur d’instantes prières de son fils, lui représentant que par de perpétuels refus il risquait de lui faire perdre sa propre place, le vieux maître finit par se décider. Il entreprend le long voyage de Leipzig à Potsdam, où il débarque le 7 mai 1747.

Chaque soir, de sept à neuf heures, il y avait à la cour un concert sans lequel le roi lui-même tenait à faire sa partie. Ce soir-là, Frédéric se préparait à commencer un solo de flûte, lorsqu’on lui remit le rapport de police quotidien mentionnant les noms des étrangers arrivés dans la journée.

À peine le roi a-t-il jeté les yeux sur ce rapport qu’il se met à sauter sur un pied en s’exclamant joyeusement : « Messieurs, le vieux Bach est arrivé ! » Sur l’heure, un aide de camp est chargé d’aller quérir ce vieux Bach, qui, sans avoir même le temps d’endosser un habit de cérémonie, doit se présenter à la cour en houppelande de voyage. Frédéric lui enjoint aussitôt d’improviser une fugue en lui proposant à cet effet un thème de sa propre composition, mélodie connue sous le nom de thema regium, qui n’est vraiment point trop mal venue pour émaner d’un flûtiste occupé à cette époque à réglementer l’exercice et la formation de l’infanterie sur trois rangs.

Est-il besoin de dire que Bach traita ce sujet avec une telle variété que le roi,