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Page:Revue belge de philologie et d’histoire, Tome 1.djvu/81

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Presque en même temps, en considérant d’ailleurs l’évolution des idées et non pas l’histoire politique, M. François Picavet, le savant commentateur des philosophies médiévales, que la Sorbonne et ses amis ont eu la douleur de voir disparaître il y a quelques mois, s’exprimait ainsi en 1905 : « Il faut reculer les limites entre lesquelles on enferme, à d’autres points de vue, la civilisation médiévale, puisque les conceptions théologiques relatives à Dieu et à notre union présente ou future avec lui prédominent au premier siècle de l’ère chrétienne chez les partisans de l’hellénisme comme chez les chrétiens et les juifs ; puisqu’elles persistent, avec une force égale, jusqu’au xvie siècle, jusqu’à l’Édit de Nantes et au traité de Vervins, jusqu’à l’apparition des travaux de Galilée, de Bacon, de Harvey et de Descartes[1]. D’après ce système, le moyen âge commencerait au ie siècle de l’ère chrétienne et non au ve ; il s’achèverait ou plutôt, selon l’expression de M. Picavet, « il laisserait une place de plus en plus grande à la civilisation moderne » au xviie siècle, et non au xve ou au xvie.

Que valent ces diverses mesures chronologiques ? Notons tout d’abord que si l’emploi des années 395 ou 476, 1453 ou 1492, pour désigner l’aube ou le crépuscule du moyen âge, est commode pour l’enseignement comme pour la rédaction des programmes et des manuels, leur précision même leur enlève toute valeur scientifique. La succession des événements historiques ne se découpe pas en tranches aussi nettement séparées. Au point de jonction des grandes périodes du passé, il y a des siècles mixtes. Certains caractères du moyen âge ont apparu avant 476, même avant 395 ; certains autres n’ont pas brusquement disparu en 1453 ou 1492. Inversement, les institutions antiques ne se sont pas soudainement éclipsées après la mort de Théodose ou l’avènement d’Odoacre ; et à beaucoup de points

  1. Esquisse d’une histoire générale et composée des philosophies médiévales, p. vi-vii. M. Picavet avait déjà fait cette proposition dans une étude de 1901 : Le moyen âge, limites chronologiques. Il la reprit en 1913 dans ses remarquables Essais sur l’histoire des religions et des philosophies médiévales (p. 17).