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Page:Revue belge de philologie et d’histoire, Tome 1.djvu/93

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du monde antique. Mais si les Lombards lui enlèvent une partie de l’Italie (568), si les Wisigoths s’affranchissent de son joug, elle n’abandonne point ses prétentions, et la lutte qu’elle soutient contre ses ennemis et d’où dépend à ce moment le sort de l’Europe, prouve bien que celui-ci ne cesse pas de se jouer autour de la Méditerranée.

Ce qui est vrai du mouvement politique ne l’est pas moins, s’il ne l’est davantage encore, de la civilisation. Faut-il rappeler que Boëce (480-525) et Cassiodore (477-c. 562) sont Italiens comme saint Benoît (480-543) et comme Grégoire le Grand (590-604), et qu’Isidore de Séville (570-636) est Espagnol ? C’est l’Italie qui conserve les dernières écoles en même temps qu’elle répand le monachisme au nord des Alpes et qu’elle porte le christianisme aux Anglo-Saxons (596). C’est chez elle que se rencontre à la fois ce qui subsiste encore de la culture antique et ce qui s’enfante de nouveau au sein de l’Église. Et pour achever de montrer combien la physionomie de l’Europe après les invasions germaniques reste conforme, dans ses traits essentiels, à la physionomie de l’Europe romaine, constatons enfin que, jusqu’au milieu du viie siècle, l’Occident demeure, grâce à la navigation méditerranéenne, sous l’influence économique de l’Orient. De Byzance, d’Asie Mineure et d’Égypte des marchands juifs, mais surtout des marchands syriens continuent à l’approvisionner d’objets de luxe, d’étoffes précieuses, de vins fins. Par leur intermédiaire, il reçoit l’or nécessaire à la frappe de ses monnaies et le papyrus dont se servent les copistes ou les clercs de chancellerie.

Cependant la Gaule mérovingienne se débat dans une effroyable décadence. L’État fondé par la conquête de Clovis tombe bientôt en décomposition. Ce qui subsistait encore de la civilisation romaine s’y dissout partout dans a vie politique, dans la vie sociale et dans la morale privée. Les faits donnent le démenti le plus tragique au thème convenu de l’invasion germanique rajeunissant et vivifiant par un afflux de forces fraîches la décrépitude romaine. Les Francs ont bien accepté le christianisme, mais ils se montrent aussi incapables d’en faire la règle de leurs