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ses relations avec Byzance, elle est forcée de se replier sur soi-même et de vivre à huis clos. Et c’est alors précisément que son centre de gravité, si l’on peut ainsi dire, se déplace enfin du sud au nord et que l’État franc, qui jusqu’alors n’a joué qu’un rôle historique de second ordre, devient l’arbitre de ses destinées. Il est impossible de ne voir qu’un jeu du hasard dans la simultanéité du blocus de la Méditerranée par l’Islam et de l’entrée en scène des Carolingiens. À envisager les choses de haut, on aperçoit clairement entre l’un et l’autre un rapport de cause à effet. L’Empire franc va jeter les bases de l’Europe du moyen âge. Mais la mission qu’il a remplie a eu pour condition essentielle le renversement de l’ordre traditionnel du monde. Rien ne l’y aurait appelé si l’évolution historique n’avait été détournée de son cours et, pour ainsi dire, désaxée par l’invasion musulmane. Sans l’Islam, l’Empire franc n’aurait sans doute jamais existé, et Charlemagne, sans Mahomet, serait inconcevable.


H. Pirenne.