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Page:Revue d'histoire et de littérature religieuses-vol6-1901.djvu/118

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FRANZ CUMONT

en Asie Mineure remontait à l’époque des Achéménides ; elle y était établie depuis si longtemps qu’on la considérait presque comme indigène, et durant les siècles qu’elle avait vécu au milieu de peuples étrangers, elle avait fait plus d’un emprunt à leurs pratiques religieuses. Le taurobole devait être un usage très répandu dans ces contrées[1], et il est plus que probable que cette déesse tauropole l’avait, aussi bien que Mâ, admis dans sa liturgie. Un fait indubitable c’est que cette cérémonie se répandit rapidement en Occident au début du IIe siècle, après l’annexion à l’empire de la Cappadoce et des autres provinces voisines.

La nature de la religion composite qui s’était formée dans ces contrées, permet d’expliquer, en en faisant saisir l’origine, les caractères étranges et presque contradictoires du taurobole romain. Cette région reculée, où la civilisation grecque ne pénétra que tardivement, conserva plus fidèlement que les pays hellénisés la barbarie primitive de ses cultes autochtones. Les prêtresses de Castabala prétendaient pouvoir impunément marcher pieds nus sur des charbons ardents[2] : c’était une véritable épreuve par le feu analogue aux ordalies sacrées qu’on trouve dans les civilisations les moins avancées[3]. Même à Rome, les serviteurs de Bellone, dans les transports de leur enthousiasme, se perçaient les membres, aspergeaient de leur sang la statue de la déesse et, le recueillant dans la paume de la main, le donnaient à boire aux initiés[4]. Ces

  1. M. Körte a cru retrouver jusqu’en Phrygie des fosses creusées dans le roc qui auraient servi à des sacrifices de ce genre, mais l’explication est très hypothétique. Cf. Athen. Mitth., XXIII, p. 102.
  2. Strab. XII, 2, 7, p. 537 C. Cf. Jamblique, De myst. Aeg’’., III, 4.
  3. Robertson Smith, Religion of the Semites, 2e éd., p. 17 q. ss. Frazer, Le totémisme, p. 30. Cf. A. J. Wauters, L’État du Congo, 1899, p. 305.
  4. Tibull. I, 6, 45 ; Tertull. Apol. 9 ; Minut. Felix, 30, 5. Cf. Aust dans Pauly-Wissowa s. v. Bellona, 256.