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LE TAUROBOLE ET LE CULTE DE BELLONE

sur son corps l’ondée vivifiante, mais absorbait avidement la liqueur régénératrice.

Une preuve très convaincante de l’antiquité de ce rite, qui remonte certainement aux âges préhistoriques, c’est qu’il se retrouve presque sans changement en des endroits fort éloignés. À Rome, lors des Saturnales, il se livrait au forum un combat de gladiateurs, et le sang du champion vaincu coulait à travers des dalles percées de trous sur un personnage caché sous la terre, qui se soumettait à l’aspersion « la bouche ouverte[1] ». Chose curieuse, une cérémonie analogue persiste de nos jours parmi les naturels du Congo. Elle est décrite par un voyageur, dont le témoignage a d’autant plus de poids, qu’il n’avait certainement jamais entendu parler du taurobole. Un roitelet des Bamfoumous « prétendait soumettre tous les villages voisins à son despotisme ; il se faisait remettre des victimes humaines à qui l’on tranchait la tête. L’exécution avait lieu sur une claie surélevée et le chef, assis dessous, recevait la pluie sanglante sur tout le corps : il devait acquérir ainsi une plus grande force physique et morale[2]. »

Si l’on peut en croire l’auteur de ce récit, même chez les nègres d’Afrique, on voit attacher au bain de sang certaines idées morales. Il est indubitable que les vertus particulières et pour ainsi dire magiques, qu’on attribuait au liquide qui entretient la vie, l’ont fait employer fréquemment dans les purifications païennes[3]. Mais la régénération qu’on attendait du taurobole, a un caractère

  1. Cyrill., Contr. Iulian. IV, p. 128 D : κέκρυπτο δέ τις ύπὸ γῆν Κρόνος λίθοις τετρημένοις ύποκεχηνώς ἵνα τῷ τοῠ πεσόντος καταμιαίνοιτο λύθρῳ. Cf. Revue de Philologie, t. XXI, 1897, p. 151.
  2. Léopold Courouble, En plein Soleil, Bruxelles, 1900, p. 105. — Je dois cette indication intéressante à M. Jean Capart. Qu’il me permette de lui adresser ici mes sincères remerciements.
  3. Frazer, Pausanias, t. III, p. 278, p. 593 (16, 8) ; Robertson-Smith, op. cit., p. 35 pass. ; Maury, Relig. Grèce, t. II, p. 146, n. 7.