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Page:Revue d’économie politique, 1887.djvu/256

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Supposez que je verse une somme à mon compte chez mon banquier. Qu’advient-il de cet argent ? Il devient la propriété absolue de mon banquier. Je lui transfère cette propriété absolue. Mais je ne lui en fais point cadeau. J’obtiens quelque chose en échange. Mais quoi ? En échange de l’argent, mon banquier m’ouvre un crédit sur ses livres, c’est-à-dire qu’il me donne un droit d’action pour lui demander pareille somme d’argent à toute époque qui me conviendra. Ce droit d’action s’appelle crédit : il est le prix que le banquier donne de mon argent, et si j’inscris ce droit d’action sur papier sous la forme d’un chèque, ce chèque pourra circuler dans le commerce et servir à des échanges, tout comme une égale somme d’argent, jusqu’à ce qu’il soit payé et éteint.

Ainsi encore, si un négociant achète des marchandises à crédit, en donnant en échange un droit d’action contre lui-même pour le paiement d’une somme déterminée à une date future, ce droit d’action constitue le paiement des marchandises, et celui qui en est titulaire peut l’inscrire en la forme d’une lettre de change, et cette lettre de change pourra circuler dans le commerce et servir à des échanges, tout comme une égale somme d’argent, jusqu’à ce qu’elle soit payée et éteinte.

Un droit d’action, ainsi inscrit en forme de chèque ou de lettre de change constitue donc par lui-même un élément indépendant de propriété, une valeur échangeable, susceptible d’être achetée et vendue exactement comme une pièce de monnaie, un cheval, une montre ou tout autre objet matériel.

Ces droits d’action reçoivent le nom de créances (en anglais, credits), parce qu’ils ne constituent pas des titres de propriété d’une quantité de numéraire spécialisée, mais seulement des droits purement abstraits, permettant d’exiger d’un débiteur le paiement d’une somme ; et celui qui les achète ne le fait que parce qu’il a la croyance ou confiance que le débiteur sera en mesure de payer à l’époque indiquée.

Il convient de constater ici que ces droits d’action reçoivent aussi le nom de dettes (debts). Je me propose, dans un autre article, d’étudier plus complètement ce sujet du crédit ; il suffit d’énoncer ici que, dans le droit anglais comme dans le langage usuel, les mots credit et debt sont employés indistinctement pour désigner le droit d’action qui compète à un créancier pour exiger d’un débiteur le paiement d’une somme.