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Page:Revue d’économie politique, 1888.djvu/459

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II.


Je dois maintenant signaler une remarquable doctrine des économistes, qui a été, je le montrerai, la cause de l’ouvrage de Smith.

Ils appelaient travail productif le travail qui, tous frais payés, laisse un profit. Ils enseignaient que le travail agricole est le seul productif, c’est-à-dire le seul qui laisse un profit ; ce profit, ils l’appelaient produit net, et le tenaient pour le seul revenu de l’État.

Ils prétendaient que, dans le commerce, il y a toujours échange de valeurs égales, et, par conséquent, absence de profit des deux côtés.

Ils admettaient que les articles manufacturés sont de plus grande valeur que les matières brutes, mais ils disaient que cette augmentation de valeur n’était que la représentation de l’entretien des ouvriers, et qu’ainsi il n’y avait, en somme, aucun accroissement de valeur ou de richesse nationale.

Ils soutenaient, par suite, que les agriculteurs sont la seule classe de travailleurs productifs, que tous les autres sont stériles ou improductifs, et que, le revenu de l’État consistant tout entier dans le produit net de la terre, tout impôt devrait porter sur les fermages de la terre.

De ces doctrines, ils déduisaient cette conclusion stupéfiante, que ni le commerce ni les manufactures ne peuvent enrichir une nation.

Ainsi, tandis qu’il était de doctrine avant les économistes que dans un échange l’une des parties perdait ce que gagnait l’autre, ils alléguaient que dans un échange aucune des parties ne gagne.

Or, les économistes méritent au moins un éloge : dans tous leurs raisonnements, ils définissaient strictement leurs termes, et il était impossible de se tromper sur la portée de leurs déclarations.

En stigmatisant comme stériles et improductives toutes classes sociales autres que les agriculteurs, ils excitèrent une puissante réaction ; et quand la conséquence de leur doctrine, que l’échange ne procure de gain à aucune des parties, les conduisit à cette conclusion paradoxale que ni le commerce ni les manufactures ne