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Page:Revue d’économie politique, 1888.djvu/462

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le dogme des économistes, qui excluaient soigneusement le travail de l’appellation « richesse. »

Après avoir, en plusieurs centaines de pages, rempli l’esprit de ses lecteurs de cette seule idée que la richesse est le produit de la terre et du travail, il admet qu’une chose ne constitue une richesse qu’à la condition d’être susceptible d’échange. Il admet donc, en définitive, cette faculté d’échange comme l’essence réelle et le principe de la richesse.

D’un autre côté encore, sous l’appellation « capital circulant, » il énumère les billets de banque et les lettres de change. Or, ces billets et lettres sont du crédit : ils ne sont que des droits d’action. On voit donc que Smith comprend expressément le crédit dans la richesse, ce que les économistes niaient formellement.

Or, en quoi les billets de banque et les lettres de change, simples droits d’action, sont-ils « le produit annuel de la terre et du travail ? »

Par où l’on voit que Smith élargissait le domaine de l’économie politique : tandis que les économistes la restreignaient au commerce des produits matériels de la terre, Smith l’étendait au commerce du travail, auquel il a consacré une longue discussion. Il admettait aussi que les billets de banque et les lettres de change constituent un capital, mais il n’a jamais fait aucun exposé des grands principes scientifiques et du mécanisme du système général du crédit. Il dit aussi que son ouvrage a pour objet la recherche des principes qui régissent la valeur échangeable des biens.

Ainsi, on le voit, le sujet des deux premiers livres de Smith est, en réalité, un traité de commerce ou de la théorie de la valeur ; et, dans sa notice, son éditeur, Mac Culloch, dit que cette science pourrait être dénommée la science des valeurs.

Condillac, qui a publié son ouvrage la même année, intitule son premier livre : « Le commerce, ou principes de la science économique. »

Forbonnais, contemporain éminent des économistes, a donné le meilleur traité de commerce de son temps, et il l’intitule : « Principes économiques. »

Tous les écrivains contemporains ont donc parfaitement compris que, si les économistes appliquaient leurs efforts à libérer le commerce de ses entraves, l’économie même est la science du commerce ou des échanges.