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Page:Revue d’économie politique, 1888.djvu/461

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tenant, on peut le dire, la pierre angulaire de l’économie politique, et il en est résulté une transformation complète de la politique des nations, parce que la doctrine primitive avait été pendant des siècles la cause de guerres commerciales, tandis que la théorie de Smith montra que chaque peuple a intérêt à la prospérité de ses voisins.

Et c’est là un des titres de Smith à une gloire immortelle.

Il ne donne pas son ouvrage pour un traité d’économie politique ; il l’intitule : Recherches sur la nature et les sources de la richesse des nations. Mais, par malheur, il ne donne nulle part, dans tout cet ouvrage, une explication nette de ce qu’il entend par richesse. Au commencement seulement, il parle de la richesse réelle d’un pays comme étant « le produit annuel de la terre et du travail. »

Examinons maintenant si pareille définition peut être prise pour base de l’économie politique comme science.

Et d’abord, il est à noter qu’il a omis dans la définition la qualité d’échangeabilité, sur laquelle les économistes insistaient expressément.

Or, il est absolument manifeste que la seule définition de la richesse comme étant « le produit annuel de la terre et du travail, » ne peut être acceptée comme une définition convenable, puisque, dans ces conditions, tout travail inutile serait une richesse. Si l’on construisait une pyramide au sommet de Ben-Nevis, serait-ce de la richesse ? La forme la plus simple du « produit de la terre et du travail, » ce sont les pâtés de sable des enfants. Si nous acceptions la définition purement et simplement, le moyen d’augmenter la richesse du pays serait d’employer tous les petits enfants à faire des pâtés de sable.

Le prix moyen d’un acre de terrain auprès de la Banque d’Angleterre ou de la Bourse royale est d’environ un million de livres. N’est-ce pas là de la richesse ? Et en quoi ce terrain lui-même est-il « le produit de la terre et du travail ? »

D’autre part, Smith qualifie de capital fixe les aptitudes naturelles et les talents acquis des habitants, traite le travail comme un bien susceptible de vente et se livre à une longue discussion sur le prix du travail ou salaire. Or, en quoi « les aptitudes naturelles et les talents acquis » sont-ils « le produit annuel de la terre et du travail ? » Et en quoi le travail lui-même est-il « le produit annuel de la terre et du travail ? » On voit donc que Smith a déjà rompu avec