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une comédie inconnue de marivaux

sur lui une attention momentanée qui prouverait surtout combien il est oublié, Marivaux fait parvenir à des gazettes éphémères de la copie qu’il ne signe pas.

Pour tirer quelque argent de la Provinciale, après la clôture du théâtre de Berny, il l’a donc envoyée avec d’autres ouvrages au Conservateur qui paraît depuis quelques mois. Celui-ci publie tout d’abord les Acteurs de Bonne Foi ; mais il décline rapidement et disparaît en 1759. En 1760, Dreux du Radier, essayant de le ressusciter, n’en fait qu’une revue pédante et indigeste où le théâtre ne trouve aucune place, et qui meurt pour de bon en 1761. C’est alors que Marivaux s’adresse au Mercure de France dont son ami Marmontel a obtenu le privilège. Pourquoi n’y avoir pas songé plus tôt ? Probablement par crainte d’être importun. En quelques années Marivaux avait donné au Mercure : l’Education d^un Prince (décembre 1754), Réflexions sur l’Esprit humain à l’occasion de Corneille et Racine (Avril 1755), et deux comédies, l’une sifflée, la Nouvelle Colonie (Décembre 1750) et l’autre non jouée, Félicie (Mars 1757). Qu’il ait hésité à publier une troisième comédie dans une feuille encombrée d’énigmes et de logogriphes, rien de plus naturel ; mais qu’en 1761, lorsqu’elle vient d’être retournée à son auteur, le Mercure publie une Provinciale, voilà qui confirmerait, s’il en était besoin, l’attribution de cette pièce à Marivaux.

Contrairement à l’assertion de Gustave Planche, Marivaux n’a pas toujours écrit la même pièce. Ses dernières comédies (les Sincères, l’Héritier de Village) sont des tableaux de mœurs. En avançant en âge, le peintre aimable et caressant des jeux de l’amour devient un peu moralisateur et morose ; il fait penser à ces vieillards qu’on s’efforce d’aimer davantage pour s’excuser de les admirer moins. Une génération nouvelle le poussait brutalement dans le passé. Déjà, en le recevant parmi les Quarante, l’archevêque de Sens, alliant à une douceur tout académique un zèle vraiment épiscopal, n’avait