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la provinciale

Mde Lépine. — Vous n’y êtes plus ? eh, mais, ce qui caractérise une femme à la mode, et du bel-air, c’est de soutenir audacieusement le bruit qui se répand d’elle ; c’est de le répandre elle-même. On sçait bien qu’une Provinciale ou qu’une petite Bourgeoise ne s’en accommoderait pas ; et vous n’avez qu’à voir si vous voulez qu’on dise que vous fuyez le Chevalier ; qu’une intrigue vous fait peur ; que vous en faites un monstre ? Vous n’avez qu’à voir…

Mde la Thibaudière. — Ah ! juste ciel, tout est vu. Vous me faites trembler ! Vous avez raison… que j’étais stupide !

Cathos. — Voyez, je vous prie ! si on ne dit pas que vous êtes amoureuse, c’est tant pis pour votre honneur… ce que c’est que l’ignorance !

Mde La Thibaudière. — Mais êtes-vous bien sûre qu’il se vantera de son amour ? car pour moi, je le dirai à qui voudra l’entendre.

Mde Lépine. — Il n’est pas capable d’y manquer ; c’est la règle.

Mde la Thibaudière. — Vous me rassurez. Hé ! dites-moi, Mde Lépine ; dans la conversation, faut-il un peu de folie aussi ?

Mde Lépine. — En deux mots, voici un modèle que vous suivrez. Supposez que je suis le Chevalier. J’arrive ; je vous salue ; je m’arrête… mais Marquise, je n’y comprens rien ! vous êtes encore plus belle que vous ne l’étiez il y a une heure ; un cœur ne sçait que devenir avec vous ; vous ne le ménagez pas ; vous l’excédez ; il en faudrait une douzaine pour y suffire, (à Mde la Thibaudière) Répondez.

Mde la Thibaudière. — Que je réponde ?… est-il vrai. Chevalier ? ne me trompez-vous point ? êtes-vous de bonne foi ? m’aimez-vous autant que vous le dîtes ? (et puis se reprenant) fais-je bien ?

Mde Lépine. — À merveille !

Cathos. — Comme un charme !