Page:Revue de Métaphysique et de Morale, vingt et unième année - 1913.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que naissent les organisations politiques, et non pas au contraire des caractéristiques morales de ceux qui en font partie? » (544 de) Mais qu'est-ce donc que cette méthode qui va de l'individu à la société? On n'a pas eu tort d'y reconnaître comme un pressentiment des principes qui sont à la base de la sociologie d'Herbert Spencer : les traits caractéristiques de la communauté sont conditionnés par la structure et les instincts des individus, « le caractère de l'agrégat est déterminé par les caractères des unités qui le composent'. » Sous ce rapport la politique platonicienne repose donc sur l'hypo- thèse que. dans une société, toutes les unités constituantes du groupe sont semblables entre elles.

Mais aussitôt il devient nécessaire de serrer la question de plus près. Il y a là en effet deux choses Lien distinctes à expliquer : l'une est la détermination des individus, prisa part, à tel caractère, à telles manières d'être et d'agir; l'autre est la réunion durable d'individus qui se ressemblent. — Pour rendre raison de la première il y a dans la philosophie de Platon une théorie bien connue. Aux enfers lésâmes, antérieurement à leur retour dans la vie terrestre (car leur nombre est limité et ce sont toujours les mêmes qui reviennent), choisissent leur destinée; mais ce choix, qui se fait en dehors de|notre expérience sensible, détermine irrévocablement celle-ci. dans l'ensemble comme dans le détail. Cette doctrine qu'on trouve à la fin de la liépuhlique (10, 617 ofe, 619 a, 620 ab) se présente dans le Timée (81 c- 87 b) sous son aspect purement déterministe, sans que le choix y ait de part, et par là même avec une allure plus scientifique. Toutes nos maladies du corps ou de l'âme, celles-ci ayant d'ailleurs leur source dans les premières, tous les dérègle- ments et tous les vices ont pour cause une modification anormale des éléments constitutifs de l'organisme et de leurs rapports, ou bien une altération des substances organiques qui résultent de ces éléments : <( Nul n'est mauvais de son plein gré, mais c'est par le fait d'une manière d'être défectueuse de son corps ou d'une éduca- tion mal conduite que l'homme mauvais devient mauvais; et ce sont là des disgrâces auxquelles tout homme peut se trouver exposé, quoi qu'il en ait. » — Mais, un peu plus loin, voici que Platon nous


1. In/indurlion ù la Sc/euce sociale, Irad. franc. (1874), p. 51-.i3. Le rapproche- ment (loni il s'agit est signalé par M. Espinas, dans la très intéressante inlro- diiction qu'il a écrite pour une édition classique du sixième livre de la Répu- blique (Alcau, l.SSOj, p. 9.').