Page:Revue de Métaphysique et de Morale, vingt et unième année - 1913.djvu/787

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l’uniformisation des fonctions analytiques ;

la représentation des fonctions méromorphes de deux variables par quotient de fonctions entières ;

le théorème sur les zéros des fonctions thêta qui devait donner naissance à la nouvelle théorie des fonctions abéliennes ;

l’extension des notions de genre et d’ordre aux formes de degré supérieur, et la notion d’invariants arithmétiques.

Nous avons essayé de donner une idée de l’importance fondamentale de ces différentes découvertes. Mais la plus profonde peut-être nous reste à mentionner. Nous savons, en effet, que la théorie des fonctions, si grande soit la place prise par elle dans les mathématiques contemporaines, n’est en somme qu’un moyen. Nous trouverons naturel, dès lors, que la théorie des courbes définies par les équations différentielles, dont nous aurons à parler tout à l’heure, ait eu sur toute l’œuvre de Poincaré et toute la marche de la science une influence plus décisive encore que les recherches même dont il a été question jusqu’ici. Or, dans ses deux premières parties, elle remonte à la même époque ; et de cette période encore (1882) date une courte Note, grosse de toute une révolution dans nos conceptions astronomiques.

En quatre années, dans les domaines les plus divers, dans les directions les plus opposées, quelle armée de découvertes primordiales dont chacune aurait suffi à consacrer une réputation ! Encore n’avons-nous cité que celles — et non peut-être toutes — qui marquent comme un tournant pour une branche de la science.

Il n’est pas vrai que le temps ne fasse rien à l’affaire, dans la vie d’un grand savant. N’oublions pas que celle de Poincaré, sans avoir la tragique brièveté de la carrière d’un Galois ou d’un Abel, devait être arrêtée en pleine fécondité.

L’accumulation de ces œuvres mémorables — un seul tome du Bulletin de la Société mathématique de France renferme trois de celles que nous venons de citer — n’en est d’ailleurs pas la seule caractéristique. Le dieu qui les inspirait manifeste son impatience dans leur style même. Dans nombre d’entre elles, — particulièrement dans ces trois articles du Bulletin de la Société mathématique de France — deux ou trois pages lumineuses autant que concises, suffisent au « veni, vidi, vici » d’un triomphe de l’esprit humain.