Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/116

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Elle marcha quelque temps parmi les ajoncs et les herbages. L’aurore agrandissait les nuages et les remplissait de sa vie fugitive. Puis, une fournaise rouge monta parmi des pommiers. Mademoiselle de Varsennes continuait à marcher. Tout ensemble, la fièvre la lassait et la soutenait… À plusieurs reprises, elle s’arrêta, tournée dans la direction du château, mais une volonté indéfinissable la remettait en route…

Cela dura plusieurs heures. Quand elle atteignit Avranches, le soleil était déjà haut. Elle se dirigea vers l’église, y entra et pria obscurément. Ensuite, dans une rue étroite, elle s’arrêta devant une vieille maison granitique, au toit de bardeaux. Il y avait un marteau à la porte. Elle frappa ; une femme déjà vieille, au visage triangulaire et aux yeux roux, vint ouvrir et poussa un cri :

— C’est vous, mon cher petit !

— C’est moi, Madeleine.

Elles demeuraient là, surprises l’une et l’autre, puis l’hôtesse introduisit la jeune fille dans un petit salon, ou plutôt un parloir, meublé de chaises basses à très longs dossiers, pareilles à des chaises d’églises, d’une vieille table de chêne, d’un coffre à sculptures qui ressemblait pas mal à un sarcophage et d’une large commode à ferrures de cuivre.

Mademoiselle Madeleine Faubert avait été la gouvernante et la première institutrice de Valentine. Cette vieille fille décelait aussi peu de défauts que le comportait la structure humaine. Sincèrement modeste, mais point humble, constante et scrupuleuse, résignée et gaie, économe et généreuse, parfois opiniâtre, un peu trop secrète, presque irascible vis-à-vis des orgueilleux ou des égoïstes, son cœur était un inépuisable réservoir de compassion.

Elle aimait follement Valentine, d’une tendresse complexe où se concentraient ses vœux inassouvis, l’instinct maternel, je ne sais quel amour, d’une pureté infinie, et qui pourtant reflétait les passions dont la pauvreté, le hasard, les circonstances l’avaient privée. Quoique innocente de cœur comme un petit enfant, elle avait de la pénétration et de l’expérience, elle comprenait des sentiments étrangers à sa propre personne… C’était le seul être à qui Valentine osait tout dire.

Madeleine observait la jeune fille sans qu’il y parût. Elle