Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/117

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vit ses yeux bleuis, ses pommettes ardentes et l’égarement répandu sur toute sa personne. Elle pressait les mains de la visiteuse avec des doigts qui étaient aussi petits et qui avaient été aussi délicats que les doigts de Valentine, mais que les rhumatismes commençaient à enfler un peu, aux jointures.

— D’où venez-vous, marquise chérie ?… On dirait bien que vous avez la fièvre.

Elle tâtait le pouls de la jeune fille : elle en constatait la course précipitée.

— Oui, je crois que j’ai la fièvre… et je suis si fatiguée, Madeleine !

Madeleine l’avait assise sur une de ses chaises d’église, au dossier roide et dur. Elle sentait qu’il ne fallait plus l’interroger. Elle attendait, patiente, avec ce doux sang-froid des femmes qui savent entendre et consoler.

— Oh ! Madeleine… — soupira l’adolescente… — pourquoi suis-je si malheureuse !… Et ce n’est rien… on peut bien être malheureux, quand il y a tant de douleurs en France… mais pas ainsi… pas ainsi !…

Elle avait les yeux pleins de larmes :

— Je ne sais pas du tout si vous pourrez comprendre… je ne comprends pas moi-même… peut-être suis-je folle… J’ai fui le château… par frayeur…

— Par frayeur ! — exclama Madeleine, saisie de cette combativité qui lui venait pour les autres. — Personne ne s’est permis ?…

— Ah ! personne, ma chérie. Nul n’a de torts envers moi… fût-ce par une parole…

Madeleine scrutait profondément le visage pâle ; la jeune fille parla plus bas :

— Peut-être as-tu deviné, Madeleine, ce que j’ai rêvé pendant son absence ?

— Je l’ai deviné, petite marquise… c’était bien… c’est ce que je souhaitais.

— Je crois bien que je l’aimais déjà avant son départ… Mais pas complètement… On eût dit que cette absence était nécessaire. Et je croyais que lui-même…

— Vous pouvez en être sûre !

— Quand ils sont revenus…