Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/123

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chose à Valentine… Non pas d’offensant… il en est incapable… mais qui ait pu l’effaroucher ?

— Je ne le crois pas.

— Donc, elle a obéi à un sentiment tout intime. Est-ce cela ?

— C’est cela.

— Vous connaissez ce sentiment ?

Madeleine ne répondit pas.

— Voyons, — reprit la comtesse avec véhémence, — il faut pourtant que je sache… Je désire ardemment le bonheur de Valentine. J’ai bien le droit de savoir pourquoi elle s’éloigne de nous ?

— Peut-être ne le sait-elle pas très bien elle-même. Et elle est si scrupuleuse !

— Je vous entends, il s’agit de Pierre ! Mais en quel sens ? Craint-elle d’aimer ? Craint-elle de l’être ?

— L’un et l’autre, sans doute.

— Je ne vois pas que ce soit une raison pour nous fuir.

— Pourtant… si elle désire échapper à toute influence… être libre…

— En quoi la contraignons-nous ?

— Oh ! madame… ce n’est pas ce que je veux dire… Je parle de l’influence qu’exerce l’affection même… des scrupules que peut avoir une jeune fille. Que savons-nous si Valentine ne redoute pas de vous contrarier.

Madame de Givreuse eut un sourire.

— Me contrarier, moi !… Je ne veux que son bonheur… Si elle et Pierre s’aimaient, j’en serais ravie. Si elle n’aime pas Pierre, ce n’est certes pas moi qui lui en voudrai. Elle est aussi libre que le vent sur la mer !

— Elle n’en doute sûrement pas…

— En somme, — reprit la comtesse un peu rassérénée, — aucun événement n’a décidé Valentine ?

— Rien que des événements intérieurs, si j’ose ainsi dire…

— Elle veut faire son examen de conscience ! C’est bien… Cela ne doit pas l’empêcher de me voir, je suppose ?

Madame de Givreuse avait élevé la voix. La porte intérieure s’ouvrit et Valentine se montra, le visage en larmes. Elle alla silencieusement s’agenouiller devant la comtesse.