Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/138

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poudre, on devinait un teint de Catalane ou d’Hispano-Américaine. Le plus beau sang nourrissait des lèvres ardentes, écarlates au centre ; les yeux tendres et pourtant ironiques, avec une pointe d’insolence, noirs comme la houille, avaient des reflets de topaze.

On devinait le charme du corps rien qu’aux flexions qui métamorphosaient continuellement les lignes.

Elle fixa sur Philippe un regard où passa une câlinerie soudaine :

— Pierre…

— Non pas, — dit-il en souriant, et un peu pâle… — je ne suis pas Pierre de Givreuse !

Une stupeur immobilisa le visage de la jeune femme : — On me l’avait dit ! — fit-elle en joignant les mains… — Je ne voulais pas le croire !

Des cendres du passé, cet amour âpre, cet amour de fournaise qui avait incendié pendant une année la vie de Givreuse, jeta une violente étincelle… Mais autre chose montait, qui était nouveau, et qui n’aurait pas été possible dans une vie normale.

Elle le considérait avec une curiosité dévorante :

— Je n’ai rien vu d’aussi fantastique ! — reprit-elle… — Et la voix encore… qui est plus fidèle que le visage… et l’accent… Vous ne vous jouez pas de moi ?

— Je suis Philippe Frémeuse, madame.

— Il faut bien vous croire, — soupira-t-elle, avec un petit rire ambigu. — Mais… ce n’est pas vous que…

Elle hésitait.

— Ce n’est pas moi que vous attendiez, — fit Philippe. — C’est que Pierre ne peut pas venir.

Elle prit un air froid, dur et sec :

— Je ne comprends pas !

Il s’attendait à cela. Encore qu’il y eût longuement réfléchi, il n’avait rien trouvé pour excuser sa visite. Il fut à une distance infranchissable de cette femme qui l’avait appelé et qui ne le connaissait pas. L’inquiétude et l’excitation alternaient dans son être, et l’aventure s’élevait en lui comme un vol d’oiseaux voyageurs.

— Pierre m’a prié de l’excuser… il est… il regrette…