Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/418

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était dans sa force ; la destinée ne l’étouffait plus ; son espérance avait l’aspect d’une certitude.

Valentine oubliait ces soirs sinistres où les deux hommes lui apparaissaient comme des revenants. Elle ne les confondait plus. Le regard de Philippe rappelait à peine le regard de Pierre ; elle cessait d’y découvrir l’amour qui rendait tout choix impossible. Pierre était seul près d’elle…

Elle allait dans le vent délicieux. Il lui contait la légende hasardeuse des créatures ; il donnait à ses joues la nuance des églantines ; la jeune bouche innocente avait l’attrait des fleurs rouges et l’éclat des perles encore trempées d’eau marine.

Comme au jour d’hiver, Pierre se trouva seul avec Valentine, dans le pays des pierres taillées. Le flux commençait à les assiéger. Il arrivait dans les couloirs avec sa plainte humide…

— Valentine ! — murmura le jeune homme.

Elle baissa la tête, très émue. Elle se rappelait les deux épisodes d’âme mêlés au site. Mais le second s’effaçait, c’est l’autre qui se mêlait aux battements des flots.

— Voulez-vous de ma vie… de toute ma vie ?

Elle ne répondit pas tout de suite. Sa robe dansait dans le vent, une éclatante mèche de cheveux tourbillonnait sur la tempe. Elle goûta la joie de tenir en suspens son destin et celui de Pierre…

Puis, inclinant la tête, avec un sourire, elle détermina le futur.


Quand ils revinrent au haut des falaises, ils aperçurent, près d’un calvaire, le docteur Savarre qui marchait à côté d’un homme de stature géante…

Savarre s’arrêta ; son compagnon épiait les jeunes gens avec une avidité singulière.

Tous cinq suivirent la sente étroite entre les ajoncs.

Le neurologue, attirant Philippe à l’écart, demanda :

— Le sort s’arrange ? Vous êtes résigné ?

— Je n’ai plus besoin de l’être.

Savarre montra Pierre et Valentine :

— Ni eux ?

— Ni eux.