Page:Revue de Paris, 29è année, Tome 2, Mar-Avr 1922.djvu/673

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jour, un tiers de l’Inde, avec plus de 70 millions d’habitants, jouit de ses lois propres et de l’autonomie.

Le pouvoir fut d’abord aux mains de la Compagnie des Indes Orientales, puis l’acte de 1784 établit un système complexe qui fut maintenu jusqu’en 1855. Indubitablement, cela ne fut pas sans amener quelques abus auxquels on put remédier, mais ces abus mêmes furent un des germes du mal et contribuèrent puissamment à nos difficultés actuelles. Le gouvernement britannique était centralisé à un degré inconnu dans un pays aussi vaste, et, par là même, radicalement inapproprié aux conditions d’existence de la population.

Si, après la Mutiny[1] nous avions constitué des provinces autonomes en principe, sauf pour certaines prérogatives, les problèmes eussent été simplifiés et maint danger évité. Au lieu de cela, nous avons créé une administration centrale qui augmenta constamment son pouvoir et cessa d’avoir contact avec la population.

Les différences de race, de religion, de langue, sont plus grandes dans l’Inde qu’en Europe ; et, pour établir une comparaison avec notre système, il faudrait imaginer un gouvernement qui, installé au sommet du Righi Kulm en été, à Rome en hiver, tenterait de gouverner l’Europe (moins la Russie) ! L’effet fut donc d’arrêter tout progrès dans les États les plus avancés, d’empêcher la naissance du sentiment provincial et une souhaitable rivalité entre provinces, de provoquer des résistances locales à l’établissement d’une législature uniforme, et d’encourager par suite l’esprit de révolte contre toute autorité, esprit aujourd’hui manifeste. Au Durbar Royal de 1911, fut publiée une importante communication du gouvernement de l’Inde où il était dit que :

La seule solution possible de nos difficultés était de constituer des « self-gouvernements provinciaux », jusqu’à ce qu’enfin l’Inde fût composée d’un certain nombre de centres administratifs, autonomes pour les affaires provinciales, avec, au-dessus, le gouvernement de l’Inde ayant pouvoir d’intervenir en cas de mauvaise gestion, mais devant, en temps ordinaire, se restreindre à l’administration générale.

L’effet eût été d’amener une énergique réduction des

  1. Mutiny. La grande révolte des Cipayes en 1857.