Page:Revue de Paris, 29è année, Tome 5, Sep-oct 1922.djvu/870

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Il l’avait confiée à l’ingénieur Louis Renault, lequel, avec une activité merveilleuse, sut en poursuivre la réalisation dans ses usines.

C’est seulement vers le milieu de l’année 1918 que nos armées purent être dotées de chars Renault en nombre suffisant. On sait le rôle qu’ils jouèrent au moment de notre contre-offensive. Leur irruption en grande masse dans la bataille fut une surprise pour les Allemands. Car l’échec relatif de nos premières attaques avec « tanks » et chars lourds les avait rendus très sceptiques à l’égard de la nouvelle invention. Leur Haut Commandement avait bien ordonné la construction de quelques engins similaires, mais plutôt à contre-cœur et pour donner satisfaction à l’opinion publique. Il fut complètement désemparé.

Il en est d’ailleurs convenu lui-même. Au début d’octobre 1918, le délégué du G. Q. G. allemand à la Haute Commission du Reichstag, le major Von Dem Busche, déclarait : « En peu de jours la situation militaire s’est modifiée de fond en comble. Le Haut Commandement doit prendre la décision effroyablement lourde de déclarer qu’autant qu’il est possible à un homme d’en juger, il n’y a plus de possibilité de vaincre l’ennemi. Le premier facteur ayant déterminé ce résultat d’une façon décisive est : les chars. L’ennemi les a engagés en masse considérable et inattendue pour nous. Sur les points où ils sont arrivés par surprise, nos troupes n’ont pas eu les nerfs suffisants pour les combattre. Ils ont percé nos lignes avancées, ouvert la voie à leur infanterie ; ont poussé jusque derrière nos troupes, provoqué des paniques locales et disloqué la conduite du combat. C’est par le succès des chars qu’il faut expliquer le chiffre élevé de nos prisonniers, qui a tant diminué nos effectifs et provoqué une dépense de nos réserves plus rapide que celle qui jusqu’alors était de règle. »

Quelques jours après, le 9 octobre, Ludendorff faisait au Chancelier d’Empire la confession suivante : « Jusqu’au 8 août, la situation militaire était bonne. Mais à cette date, l’emploi massif des chars bouscula en deux ou trois heures six ou sept divisions. Que se passa-t-il exactement ? En tout cas, ce fut la journée de deuil de l’empire allemand. »