Page:Revue de Paris, 40è année, Tome III, Mai-Juin 1933.djvu/850

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Sa dernière génération fut celle des poètes qui eurent leurs vingt ans sous l’Empire, en somme la génération dite parnassienne. Mais le plus grand succès de théâtre de la Troisième République, dans ce genre, fut la Fille de Roland, dont l’auteur, jusqu’alors obscur, Henri de Bornier, avait cinquante ans quand on la joua, en 1875. Une coupe habile, la générosité des sentiments, surtout la fibre patriotique touchée ingénieusement par la chanson des deux épées, déclenchèrent un triomphe torrentiel, que les pièces suivantes de Bornier ne retrouvèrent plus, car ses vers ternes et pâteux ne décollent pas. La Fille de Roland elle-même a rejoint dans l’oubli le Siège de Calais, et ne se joue plus que dans les patronages cantonaux.

C’est que Bornier, qui eut son jour de bonheur au théâtre, ne fut jamais un poète. Mais le drame romantique fut défendu sous la République par une escouade de poètes authentiques, en pleine force après 1870 : Coppée qui, par une bonne langue poétique et une adroite présentation, a fait triompher les mélodrames absurdes de Severo Torelli, et, l’année même de Cyrano, de Pour la Couronne ; Jean Richepin, qui a parcouru honorablement toute la gamme du théâtre en vers : comédie bouffonne avec Monsieur Scapin, comédie sentimentale avec le Flibustier, drame de cape et d’épée avec Par le Glaive, drame rustique avec le Chemineau, lequel mit fin en 1897 à sa carrière utile ; Alexandre Parodi, dont les pièces sans style, Rome vaincue et la Reine Juana offrent de fortes situations dramatiques ; Catulle Mendès, dont la Reine Fiammette (1898) serait la pièce la moins mauvaise ; au-dessous, il y a l’Enguerrande de l’autre gendre de Théophile Gautier, Émile Bergerat ; Edmond Haraucourt, auteur d’un Jean Bart ; René Fauchois d’un Beethoven. Faisons une place aux mystères religieux, à la mode mystique de 1890 à 1898, qui offrent un débouché poétique à la Passion d’Haraucourt, au Noël, au Tobie, aux Mystères d’Éleusis de Maurice Bouchor. Pourquoi oublierions-nous ce qu’on pourrait appeler l’école d’Orange, les tragédies traduites ou originales que le Mur suscita chez Alfred Poizat, Georges Rivollet, Paul Souchon, Lionel des Rieux, Paul Barlatier, et dont la plus célèbre reste la froide Iphigénie de Moréas ? Euripide l’y a moins servi que n’a fait Eschyle pour