Page:Revue de Paris, 40è année, Tome IV, Juil-Août 1933.djvu/464

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Sauf que la beauté brune de madame de Noailles contrasta avec la beauté blonde de madame de Girardin, il semble que nos deux romantiques contemporains nous aient rendu l’écho de ces voix alternées (qui ont dû, il y a un siècle, rappeler à quelque classique grincheux l’Allons, saute, marquis ! du répertoire).

Les romantiques sont des grands hommes éloquents, l’éloquence est mêlée de partout au romantisme, et Richepin aura été le dernier représentant de la poésie éloquente. Un tempérament flamboyant, un enthousiasme romantique, une forte culture classique qui greffe le Conciones du normalien sur le lyrisme de l’hugolien, la passion du tréteau, de la parade et du théâtre, tout cela se déverse vers le dehors, avec la bouche ouverte d’un masque qui crie. Qui crie sa joie d’être au monde, jeune et non vieux, coq et non chapon, poète et non bourgeois, et qu’il a un torse d’écuyer et le mépris des lois, et qu’on va voir ce qu’on va voir, et entendre ce qu’on va entendre. On voit et on entend ceci, que Richepin n’est pas comme les autres, ah, mais non ! Il ne commence pas par : « Mes bons messieurs, je suis Tourangeau ! » mais par : « Messieurs et mesdames, je suis Touranien ! » Le sang des Touraniens est le « sang des gueux, sang des révoltés ». Le sang des gueux donne la Chanson des Gueux, le sang des révoltés les Blasphèmes, le sang des errants donne la Mer, le sang tout court, le rouge sang qui dans les jeunes veines abonde, donne les Caresses. Ils les donnent, mais en rendant à l’École Normale ce qu’elle leur a prêté. Et voilà les quatre premiers livres de poèmes de Richepin, les seuls qui comptent (1876-1886). Après ses froids Paradis (1894) il consacra ses trente dernières années au théâtre en vers, au journalisme, aux conférences, à l’Académie. Deux vers des Blasphèmes offrent une singulière vérité.

Taïaut ! taïaut ! Voici le troupeau des Idées
Qui fuit effaré devant nous.

Il y a de quoi ! L’incompatibilité d’humeur entre une idée et l’éréthisme oratoire de Richepin paraîtrait justement à un disciple de Faguet quelque chose d’absolu. Avec un grand fonds de poésie, il semble avoir été une victime de la culture